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Député wallon et de la Fédération Wallonie-Bruxelles

Suivi de l'attentat du 16 octobre

M. Jean-Philippe Florent (Ecolo). – Nous avons eu l’occasion de discuter des suites de l’attentat du 16 octobre avec le ministre-président lors de la dernière séance plénière, mais il me semble important d’approfondir certains points en commission.

Vous avez eu raison, Madame la Ministre, de maintenir les écoles ouvertes sur la base de l’avis du CNS. La nature même d’une école est d’être ouverte et accueillante pour les enfants. Nous n’avons rien à gagner, en tant que société, en tenant des discours sécuritaires ou agitant la peur et le repli sur soi.

Avec un peu de recul sur la situation, disposez-vous de chiffres relatifs à l’absentéisme dans les écoles le 17 octobre dernier? Certains quartiers ont-ils été plus touchés que d’autres?

Les niveaux d’alerte de l’OCAM, gradés de 1 à 4, ne correspondent pas toujours à des mesures de sécurité spécifiques. Il n’est pas évident pour tout un chacun de comprendre pourquoi les écoles et les administrations restent ouvertes ou pourquoi les transports en commun fonctionnent, alors que le niveau 4 est toujours activé et que la menace est considérée comme «très grave». Cependant, tenir compte de la menace tout en gardant une forme de sérénité revient à faire preuve de résilience sociétale.

Ne serait-il pas intéressant d’établir, en partenariat avec l’OCAM et la Région flamande, une correspondance entre le niveau de la menace et les mesures à prendre? Disposer d’un éventail de mesures pertinentes à prendre en fonction de la situation permettrait d’offrir une meilleure lisibilité et prévisibilité au grand public. Cela nous permettrait également d’être plus efficaces lorsque nous devons prendre des décisions difficiles dans l’urgence.

Par ailleurs, toutes les écoles sont-elles dotées d’un PIU et d’un plan d’évacuation? Comment ces plans sont-ils établis et révisés? Les équipes pédagogiques sont-elles sensibilisées aux réactions adéquates à adopter en cas d’attentat terroriste?

Je n’ai pas l’intention de semer la panique ou de réagir avec démesure en abordant ce point, mais il doit être abordé de manière responsable. L’idée est de permettre aux intervenants d’agir efficacement et calmement et de garantir un climat de sérénité et de bienveillance au sein des écoles. Installer des portiques de sécurité dans les écoles n’est pas une bonne idée. De même, l’entraînement militaire dans une école me semble devoir être rangé dans la boîte des fausses bonnes idées. Cela accentuerait grandement le climat d’anxiété. Il nous incombe toutefois de tenir compte des risques.

Madame la Ministre, quel est le taux de participation des directions aux différentes journées d’information organisées par la cellule de coordination amok de la police fédérale afin de renforcer la prévention contre les menaces et les intrusions offensives au sein des établissements scolaires?

Le niveau de la menace est redescendu au niveau 3 et je m’en réjouis. Quelles sont les mesures de sécurité qui subsistent encore dans les écoles? Les sorties scolaires sont-elles permises?

Réponse

Mme Caroline Désir, ministre de l’Éducation. – Mesdames les Députées, Messieurs les Députés, je ne reviendrai pas en détail sur la chronologie des événements de la nuit du 16 au 17 octobre, qui a déjà été exposée en commission de l’Éducation par moi-même et en séance plénière par le ministre-président.

Il appartient en effet à l’OCAM d’analyser le niveau de menace générale et spécifique et d’attribuer un niveau d’alerte gradué entre 1 et 4. Je souligne que les différents niveaux d’alerte de l’OCAM ne correspondent pas à des mesures spécifiques qui se déclencheraient automatiquement. Des décisions lourdes de sens, restrictives des libertés collectives et individuelles, ne peuvent être prises qu’après une analyse détaillée de la situation.

Avant l’appréhension du suspect, le niveau d’alerte était maximal en Région de Bruxelles-Capitale. Néanmoins, les autorités fédérales avaient écarté l’existence d’un risque spécifique pour les écoles. Celles-ci n’avaient donc a priori aucune raison d’être fermées. Au cœur de la nuit, le Premier ministre, les ministres-présidents et les ministres de l’Éducation des deux Communautés concernées et les autres acteurs réunis au centre de crise pour gérer la situation sont donc facilement parvenus à un consensus. Ils ont décidé de maintenir les écoles ouvertes.

Madame Schyns, il est facile de polémiquer. L’attentat a eu lieu en soirée et nous avons travaillé toute la nuit. Nous devions prendre une décision pour le lendemain matin. Dans l’urgence, la meilleure manière de communiquer était d’utiliser les réseaux sociaux et de transmettre les informations nécessaires durant la conférence de presse organisée par le gouvernement fédéral. Celle-ci a ensuite été retransmise dans toutes les émissions matinales d’information.

Pour ma part, j’ai rédigé une circulaire dans l’urgence afin qu’elle parvienne le plus rapidement possible aux écoles. Toutefois, la circulaire n’est pas le premier moyen d’information. Soyons de bonne guerre, tout le monde avait entendu l’information le matin. Les parents étaient à l’affût de l’information et ils ont écouté la radio. Nous pouvions difficilement faire mieux.

Nous avons respecté une série d’étapes durant la nuit et nous n’avons pu prendre une décision qu’aux alentours de 4h00 du matin. En effet, une opération de police était en cours jusqu’à 2h30. Les échanges ont été permanents durant toute la nuit. À 4h00, nous avons pris une décision. À 5h00, nous avons communiqué cette décision. Une circulaire a ensuite été rédigée dans l’urgence et transmise dans l’enseignement obligatoire, dans l’enseignement supérieur et dans l’enseignement de promotion sociale.

En ce qui concerne l’absentéisme, les absences injustifiées des élèves sont enregistrées par l’école, mais la date de ces absences n’est pas transmise au Service du droit à l’instruction (SDI). Toutefois, j’ai effectué un sondage auprès des différents pouvoirs organisateurs. Comme toujours, il est assez difficile d’obtenir une tendance claire, et ce, en raison des différences visibles selon les quartiers, mais aussi en fonction des écoles et de leur mode de communication.

La situation concernait ici essentiellement la Région de Bruxelles-Capitale. Globalement, l’absentéisme a été plutôt faible dans l’enseignement fondamental, mais plus élevé dans l’enseignement secondaire, avec d’importantes variations d’une école à l’autre. Par ailleurs, le fait que le suspect ait été neutralisé dès le lendemain de l’attentat a permis un rapide retour à la normale.

Dans la foulée de la neutralisation du suspect, le CNS a ramené le niveau de menace pour la Région de Bruxelles-Capitale au niveau 3, sur la base de l’avis de l’OCAM. Aucune mesure de précaution n’a été recommandée par l’OCAM par rapport à l’organisation des écoles. J’ai donc simplement invité les directions, par voie de circulaire, à rester vigilantes et à appliquer des mesures de prudence élémentaire, en particulier informer le personnel du contenu du plan interne d’urgence (PIU) et fermer les portes de l’établissement durant les périodes de cours.

Les écoles ont l’obligation d’établir un PIU, mais ne sont pas tenues d’informer l’administration de sa réalisation ou de son contenu. Pour rappel, le PIU est un document rédigé par l’établissement lui-même. Il vise à limiter les conséquences néfastes d’une situation d’urgence par la mise au point de mesures matérielles et organisationnelles d’urgence adaptées. La notion de situation d’urgence recouvre «tout événement qui entraîne ou qui est susceptible d’entraîner des conséquences dommageables pour la vie sociale, comme un trouble grave de la sécurité publique, une menace grave contre la vie ou la santé de personnes et/ou contre des intérêts matériels importants, nécessitant la coordination des autorités afin de faire disparaître ou de limiter les conséquences néfastes».

Le PIU comprend des fiches qui permettent la coordination des actions d’alerte et de rassemblement, ainsi que des manœuvres de protection visant à prévenir tout mouvement de panique ou acte irraisonné. Il doit tenir compte des risques encourus par l’entreprise, comme une prise d’otage, une explosion de gaz, des risques chimiques ou encore la proximité avec une entreprise à risque. La rédaction du PIU doit être suivie d’une information claire délivrée au personnel et d’exercices d’entraînement. Ces exercices doivent être réalisés tous les trois ans et le PIU est revu en conséquence, si nécessaire.

Un modèle de PIU pour les écoles et des fiches comprenant les mesures spécifiques à prendre en fonction des événements sont disponibles en ligne. Ces fiches concernent une variété de situations de crise, comme les tempêtes, les incendies, les intoxications alimentaires ou encore les menaces amok. Il existe également une fiche spécifique comprenant des recommandations en cas d’alerte à la bombe dans un établissement.

Sur le terrain, les conseillers en prévention peuvent aider les écoles à mettre leur PIU en place. À la demande des directions, le service des équipes mobiles de la Direction générale de l’enseignement obligatoire (DGEO) peut également fournir un accompagnement individualisé.

Les formations amok sont dispensées par la police fédérale depuis le mois de mars 2016 aux directions d’école, aux responsables des centres PMS et aux conseillers en prévention. Ainsi, 30 jours de formation ont été organisés, pour un maximum de 25 à 28 participants par séance. J’en conclus qu’entre 750 et 840 personnes ont été formées.

Madame Cortisse, les exercices militaires organisés dans certaines écoles en 2019 l’ont été à l’initiative de pouvoirs organisateurs. J’ai donc assez peu d’informations à ce sujet.

Concernant l’autocensure des enseignants, le SGI est en train de mener un travail de recensement des ressources relatives à la contestation des savoirs déjà présentes ou à intégrer sur e-classe. Ce travail devrait être finalisé pour le mois de décembre 2023. Dans un second temps, le SGI s’attellera à la production de ressources spécifiques.

Concernant la fiche pédagogique relative au conflit israélo-palestinien, je vous renvoie à la longue réponse que j’ai formulée un peu plus tôt. Le sujet est délicat et politiquement sensible. Était-ce le rôle d’Enabel de rédiger une telle fiche pédagogique? Je pense que oui, car cela fait clairement partie de ses compétences depuis vingt ans. Nous parlons ici d’une compétence fédérale, car la Belgique établit une position sur le plan des affaires étrangères. La Fédération WallonieBruxelles éprouverait sans doute les mêmes difficultés à obtenir un consensus sur une fiche pédagogique. Cependant, ne pas établir de fiche pédagogique laisserait une totale liberté aux enseignants, avec tous les risques que cela comporte en termes de neutralité. Nous essayons de donner un cadre aux enseignants.

Vous avez constaté à quel point la fiche avait été rédigée avec précaution; tellement de précautions que je me demande presque si les enseignants vont encore oser aborder le sujet. Nous faisons tous de la politique et, soyons honnêtes, si nous nous réunissions tous pour rédiger cette fiche, nous ne serions sans doute pas d’accord sur son contenu. Cette fiche pédagogique a néanmoins une utilité. Certains vont peut-être contester des éléments qui y sont repris, mais la fiche établit un cadre, avec beaucoup de précautions.

Nous sommes tous d’accord pour dire que la fiche manque de contexte historique, mais nous pouvons faire confiance aux enseignants, notamment aux professeurs d’histoire. Je ne veux toutefois pas reporter toute la responsabilité sur ces derniers. Un tel sujet se travaille en équipe pédagogique. Si un enseignant n’est pas à l’aise pour aborder ce débat dans sa classe, il peut faire appel à ses collègues.

Par ailleurs, nous avons pris contact avec les fédérations de pouvoirs organisateurs pour évaluer la situation sur le terrain et savoir si les différents réseaux avaient fourni des dispositifs pédagogiques supplémentaires à leurs enseignants. À ce stade, ils ne rencontrent pas de difficulté particulière. Tout le monde est en alerte et nous continuerons à surveiller l’évolution de la situation. Sans verser dans l’angélisme, la situation apparaît bien gérée par les établissements. Nous devons continuer à faire confiance aux équipes pédagogiques et nous serons présents pour les soutenir si la moindre difficulté émerge.

Concernant l’alerte à la bombe ayant entraîné l’évacuation de l’Institut SainteMarie à La Louvière, les équipes mobiles sont intervenues en collaboration avec le centre PMS. Des espaces d’écoute et de soutien proposent un débriefing émotionnel aux élèves et aux membres du personnel qui en expriment le besoin. J’en profite pour rappeler l’existence du service des équipes mobiles, dont l’efficacité est toujours appréciée sur le terrain.

Je conclurai mon intervention en revenant sur les deux alertes à la bombe données hier au collège du Sacré-Cœur de Charleroi et au collège Notre-Dame de Bellevue, à Dinant. Mon cabinet est entré en contact avec les directions des écoles concernées pour les assurer du soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Les deux établissements, ainsi que le site de l’ancien Institut Cousot à Dinant, ont été évacués et les parents ont été invités à venir chercher leurs enfants. Si l’alerte a été levée hier en début d’après-midi à Charleroi, des fouilles devaient encore être effectuées par une brigade canine dans les différentes implantations du collège de Dinant afin d’éliminer tout risque.

Les deux écoles ont ouvert normalement ce matin. Leurs directeurs nous ont fait savoir que tout s’était déroulé dans le plus grand calme et sans mouvement d’inquiétude, en collaboration étroite avec les services de police. Ils n’ont pour le moment pas ressenti le besoin de faire appel au service des équipes mobiles. À Dinant, le centre PMS prendra en charge les élèves qui auront besoin d’être rassurés.

Réplique

M. Jean-Philippe Florent (Ecolo). – Madame la Ministre, je n’ai pas bien saisi qui était chargé du contrôle des PIU. Ce n’est manifestement pas une compétence de la Fédération Wallonie-Bruxelles, mais, dans ce cas, l’obligation de disposer d’un PIU et de le mettre à jour tous les trois ans est-elle bien respectée?

J’ai proposé de fixer un cadre avec l’OCAM et la Région flamande. L’objectif ne serait pas de déterminer les mesures précises à prendre lors d’un incident similaire, mais plutôt de donner des orientations. Cela aurait pu éviter l’initiative du réseau GO! qui a décidé de fermer une partie de ses écoles, provoquant un émoi général. Cela n’est bien entendu pas de votre ressort et chaque événement doit faire l’objet d’une analyse détaillée. Toutefois, chaque Région et l’OCAM devraient connaître les grandes orientations et les procédures à respecter.

Date de la question parlementaire
Ministre
Caroline Désir