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Député wallon et de la Fédération Wallonie-Bruxelles

Concilier les épreuves externes et la liberté pédagogique des enseignants

Ce 27 juin, «La Libre» relayait une opinion cosignée par deux enseignants du réseau libre subventionné indépendant au sujet de l’épreuve certificative externe en histoire. Ceux-ci nous ont également envoyé leurs interrogations directement. Ils y adressaient une double critique à charge de l’évaluation, principalement sur sa pertinence pédagogique pour les élèves, d’autre part sur son intérêt en termes d’évaluation et de lutte contre les inégalités dans l’enseignement.

Quant à l’intérêt pédagogique, ils déplorent que l’épreuve n’ait, je cite «rien à voir avec la démarche de l’historien». Pour rappel, elle portait cette année sur la compétence de critique historique: à partir d’une problématique et d’un portefeuille de documents, les élèves étaient amenés à mobiliser certaines compétences pour identifier, discriminer et confronter des sources historiques portant sur la Communauté européenne de défense.

Dans leur carte blanche, les signataires constatent cependant que le travail attendu de la part des élèves ne rencontre en rien la démarche scientifique de l’historien: les compétences y sont saucissonnées, les élèves acquièrent davantage, je cite encore, une «technique de remplissage de grille d’évaluation formatée, qui ne forme ni des historiens ni des citoyens curieux ou avertis». Ils s’inquiètent de voir les élèves n’apprendre qu’à être efficients pendant un temps déterminé, plutôt que de comprendre et de questionner en profondeur. Ils se disent frustrés de ne pas reconnaître dans cette épreuve le travail pédagogique qu’ils construisent tout au long de l’année.

D’autre part, ils portent une critique sur l’objectif de l’épreuve, comme outil de mesure des écoles, et le sentiment d’une dimension proprement aléatoire dans la correction. Celle-ci est confiée aux équipes pédagogiques au moyen d’une grille d’évaluation qu’ils questionnent quant au fond et à la pertinence.

Les signataires clôturent leur lettre par un appel qui sonne comme une interpellation: ils revendiquent la nécessité de revoir le dispositif des évaluations externes qui ne rencontre pas ses objectifs selon eux, notamment en termes de lutte contre les inégalités scolaires; ils revendiquent également de pouvoir construire les apprentissages des élèves dans le cadre de la liberté pédagogique qui leur est chère

Madame la Ministre, avez-vous pris connaissance de l’interpellation de ces enseignants et quelle suite lui avez-vous réservée? De quelle manière sont construites les évaluations et les grilles de correction à destination des enseignants et de quelle façon tiennent-elle compte de la liberté pédagogique des établissements? Comment s’assurer de la pertinence et la qualité de l’évaluation des compétences dans ces épreuves?

D’autre part, nous sommes interpellés par la dimension arbitraire de la correction de ces épreuves que remontent ces enseignants: avez-vous pris contact avec votre administration à ce sujet? Si l’objectif des épreuves externes est d’assurer une vision transversale équitable et un seuil de réussite minimal entre tous les élèves, il nous paraît essentiel que l’évaluation offre le moins de subjectivité et d’arbitraire possible. De manière générale, une évaluation des dispositifs d’épreuves certificatives externes est-elle prévue durant cette législature?

Enfin, il nous est revenu que le sujet dont traitait l’épreuve d’Histoire a fait l’objet quelques jours avant d’une vidéo d’un youtubeur au titre évocateur «Tout ce qu’il faut savoir pour réussir le CESS Histoire 2023». Son auteur n’en était apparemment pas à son premier coup d’essai puisqu’il avait déjà approché de très près le sujet du CESS en 2022. Avez-vous eu connaissance de cette sortie? Avez-vous pris contact avec vos services et quelle interprétation donnez-vous à cette coïncidence pour le moins troublante?

Réponse

Réponse: N’ayant pas été directement et personnellement interpellée par les auteurs de cette carte blanche, j’en ai pris connaissance via la presse.

Les dispositions décrétales prévoient que l’épreuve d’histoire du CESS porte sur une partie seulement des quatre domaines de compétences attendues, tels que définis dans le référentiel d’histoire actuellement en vigueur. Ainsi, l’épreuve proposée durant la dernière année scolaire vérifiait la maîtrise de la compétence de critique.

Certes, cette compétence ne peut initier à elle seule à la démarche historienne. L’acquisition de l’ensemble des compétences prévues par le référentiel d’histoire est confiée aux enseignants en amont de l’évaluation externe et tout au long de la scolarité des élèves, dans le strict respect de la liberté pédagogique des pouvoirs organisateurs.

Par ailleurs, une épreuve certificative ne revêt pas une fonction pédagogique mais bien un rôle de sanction quant à l’atteinte d’un seuil de maîtrise minimal attendu. Au moment de la certification terminale en particulier, la responsabilité de l’évaluation est partagée entre le pouvoir régulateur et les établissements, dont les conseils de classe restent souverains pour octroyer le CESS.

Durant l’année 2022-2023, la thématique de l’épreuve et les moments-clefs du XXème siècle durant lesquels elle s’est inscrite ont été communiqués dans la circulaire n° 8859 diffusée le 6 mars 2023. Cette communication visait à circonscrire le périmètre temporel testé au moment de l’épreuve, par souci d’équité envers les élèves.

C’est également en mars dernier qu’une note d’information plus précise, comportant un modèle de consignes, les critères d’évaluation et la pondération des points, a été communiquée sur le site enseignement.be. Il s’agit de soutenir un maximum les enseignants dans la préparation de leurs élèves relativement au contenu et au format de l’épreuve externe.

Le processus d’élaboration de cette épreuve est confié à un groupe composé de douze personnes: quatre enseignants et quatre conseillers au soutien et à l’accompagnement, issus des différents réseaux d’enseignement, ainsi que trois inspecteurs et un représentant de l’administration générale de l’Enseignement

Ce groupe bénéficie d’un soutien scientifique et docimologique assuré cette année par l’Université de Liège. Cet accompagnement vise à assurer une équivalence du niveau des épreuves d’une année scolaire à l’autre et à clarifier les consignes de passation et de correction.

Dans l’esprit d’une évaluation standardisée, une attention toute particulière est systématiquement portée à l’objectivation des indicateurs permettant la validation des réponses. Le guide de correction offre un mode d’emploi détaillé de la grille de correction. Il comprend des exemples de réponses recevables et de réponses non recevables, de manière à limiter les éventuels écarts d’interprétation entre correcteurs.

Un questionnaire-bilan est par ailleurs soumis aux enseignants afin de recueillir leurs commentaires et suggestions, dont il est tenu compte lors de la confection des épreuves de l’année suivante.

La Commission des évaluations, instituée en 2020, veille à l’amélioration continue du dispositif, notamment en pilotant les groupes de travail, en validant les objets d’évaluation et en vérifiant leur adéquation avec les documents-cadres.

Enfin, la vidéo intitulée «Tout ce qu’il faut savoir pour réussir le CESS Histoire 2023» résulte du travail didactique d’un enseignant qui a recours aux technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement – dans un esprit «open source». Ce faisant, il a effectivement proposé une tâche de critique mais ni la question de recherche, ni le portefeuille documentaire sur lesquels reposait cette tâche n’étaient identiques au contenu officiel de l’épreuve. Le travail de transfert exigé des élèves en classe restait donc entier.

Date de la question parlementaire
Ministre
Caroline Désir