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Député wallon et de la Fédération Wallonie-Bruxelles

Progression de l'enseignement à domicile

M. Jean-Philippe Florent (Ecolo). – L’enseignement à domicile qui se pratique en dehors des écoles organisées ou subventionnées par la Fédération WallonieBruxelles continue de séduire de plus en plus de familles. Le nombre d’enfants concernés a augmenté de 165 % en huit ans et de 9 % depuis l’année dernière. Cette tendance s’observe aussi en Flandre, dans une proportion moindre toutefois. Il convient de préciser que ces chiffres englobent les élèves qui sont inscrits dans une structure privée. Ces derniers, en Fédération Wallonie-Bruxelles, sont 982 contre 836 il y a un an. Dans la foulée de la publication de ces chiffres, Madame la Ministre, vous avez dit qu’un travail d’analyse est en cours pour mieux comprendre les motivations des familles qui décident de scolariser leurs enfants à la maison plutôt qu’à l’école.

De quelles informations disposez-vous aujourd’hui concernant cette tendance? L’administration assure-t-elle un suivi? Quel est l’objectif de l’analyse qui est effectuée par vos services? Passez-vous par un organisme externe pour la mener? Quand attendez-vous les premiers résultats?

Comment interprétez-vous cette tendance? Doit-on la comprendre comme une déception vis-à-vis de l’enseignement prodigué dans les écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles? Serait-elle liée au harcèlement à l’école, qui est malheureusement lui aussi en augmentation, ou à des cas de phobie scolaire?

Quelle est l’accessibilité de ce mode de scolarité? Observez-vous le développement d’un marché de l’encadrement des jeunes à la préparation au jury central? Un article de presse est récemment paru à ce sujet.

Suit-on, lors du jury central ou lors d’un retour dans un établissement scolaire, les résultats des élèves à domicile ou assimilés? Quelles forces ou facilités observet-on chez ces élèves? Les contrôles de l’inspection sont-ils renforcés pour suivre ce mode de scolarité et en contrôler les conditions d’apprentissage? Quels sont les profils des utilisateurs de la plateforme publique d’e-learning pensée pour ceux qui choisissent le jury central? Quels sont les freins à son utilisation?

Réponse

Mme Caroline Désir, ministre de l’Éducation. – Les chiffres relatifs aux inscriptions sont arrêtés au 31 octobre 2022 afin de permettre au Service du droit à l’instruction (SDI) d’entamer le contrôle de l’obligation scolaire. Cependant, il est important de souligner que ces chiffres continuent d’évoluer tout au long de l’année scolaire. C’est pour cette raison qu’au fur et à mesure de l’année, le nombre d’inscriptions en enseignement à domicile diminue. Cette diminution s’explique, d’une part, par des retours volontaires à l’école; en effet, il n’est pas rare qu’une famille décide, pour différents motifs, de mettre fin à l’enseignement à domicile en cours d’année scolaire et de réinscrire l’enfant dans une école. D’autre part, des retours à l’école sont parfois également imposés par la Commission de l’enseignement à domicile. Madame Vandorpe, ces facteurs expliquent la différence entre les chiffres de l’administration et ceux parus dans la presse. Pour votre parfaite information, 3 064 mineurs relevant de l’enseignement à domicile ont été comptabilisés le 28 juin dernier.

Concernant l’évolution du nombre d’élèves à domicile en troisième année maternelle, la tendance reste comparable, pour les enfants de 5 ans, aux deux dernières années scolaires. Les informations chiffrées seront jointes à ma réponse.

Quant aux élèves concernés par l’enseignement à domicile qui se sont inscrits au CEB, mes services ne connaîtront leur nombre qu’une fois les certificats délivrés. Pour le CE1D et le CE2D, le service reçoit l’information de la part de la Direction des jurys de l’enseignement secondaire sur la base d’une liste de mineurs à qui la Commission de l’enseignement à domicile a imposé l’obtention du titre. Pour le CE1D, sur les 41 mineurs auxquels l’obtention de certificat a été imposée, seuls 29 d’entre eux s’y sont inscrits. Pour le CE2D, 29 des 35 mineurs concernés se sont inscrits. Le service ne possède pas les données relatives au CESS, car la plupart des candidats inscrits au jury ne sont plus en âge d’obligation scolaire.

Les parents ne sont pas tenus de préciser les motifs pour lesquels ils optent pour l’enseignement à domicile. Toutefois, il apparait que leur motivation tient à des choix de vie ou à des options pédagogiques qui se concilient mal avec l’école traditionnelle. À cela s’ajoutent des situations qui font écho à des difficultés de l’enfant, auxquelles, à l’estime des parents au moins, l’école ne peut pas répondre.

De manière générale et sans tenir compte des années 2020-2021 et 2021-2022, pour lesquelles le motif de la Covid-19 était récurrent, les motifs les plus invoqués ces dix dernières années sont des raisons pédagogiques, suivies de raisons médicales, le harcèlement ou une phobie scolaire, une offre scolaire inadaptée, des troubles de l’apprentissage, des raisons artistiques ou sportives, et enfin, tout ce qui concerne les itinérances. Mes services effectuent bien un suivi à cet égard en interne. L’inscription se matérialise par une déclaration en enseignement à domicile respectant le délai légal et les conditions de certification à partir de l’âge de 12 ans.

Monsieur Florent, il n’existe pas de définition du concept d’école privée. Dès lors, tout un chacun peut décider de créer sa propre école. Je rappelle à cet égard que l’article 24 de la Constitution, concernant la liberté d’enseignement, implique la possibilité pour chacun d’organiser un enseignement tel qu’il l’entend, dans le respect du droit des enfants à l’instruction et de l’obligation scolaire.

Outre le fait qu’il n’existe aucun contrôle des titres pédagogiques dont sont titulaires les enseignants des écoles de ce type, la seule manière dont l’administration peut s’assurer de la qualité de l’enseignement prodigué consiste à procéder à des épreuves certificatives organisées par les jurys. Dès lors que ces enfants ne sont pas scolarisés dans un établissement permettant de satisfaire à l’obligation scolaire, telle que définie dans le Code de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire, et que leur parcours ne peut être validé que par des contrôles du niveau des études ou l’obtention des titres par le biais des jurys, ces écoles privées ne peuvent de facto qu’être assimilées à de l’enseignement à domicile.

Par ailleurs, sur la base de contrôles du niveau des études effectuées par le Service général de l’inspection (SGI), l’administration constate des différences dans la préparation des enfants issus d’écoles privées, de sorte que, même si ces enfants peuvent justifier qu’ils suivent des cours de manière assidue, il arrive que l’encadrement pédagogique ne soit pas satisfaisant. Selon les informations que le service peut obtenir, le choix d’une école privée au détriment d’une école organisée ou subventionnée porte généralement sur des spécificités pédagogiques qui répondraient à des besoins auxquels l’école traditionnelle a, selon les parents, échoué à répondre.

Quant au profil des utilisateurs de la plateforme d’e-learning, je vous invite à interroger ma collègue Valérie Glatigny, compétente pour l’enseignement à distance en e-learning

Enfin, à ce stade, le service de l’enseignement à domicile mène une réflexion globale sur son mode de fonctionnement, compte tenu de l’augmentation du nombre de mineurs concernés et de la configuration actuelle de l’équipe. Cette réflexion porte principalement sur la législation en vigueur et le contexte institutionnel dans lequel elle s’inscrit en ce qui concerne le suivi du respect de l’obligation scolaire. Ce travail est en cours, et mes services n’ont pas encore pu fournir de conclusions.

En ce qui concerne les effets sur la «clé élèves» de l’augmentation du nombre d’élèves inscrits en enseignement à domicile et mes contacts avec les autorités fédérales sur le sujet, j’attends un premier rapport intermédiaire sur ces questions. Nous aurons donc l’occasion d’y revenir prochainement.

Réplique

M. Jean-Philippe Florent (Ecolo). – Madame la Ministre, le phénomène est complexe et prend diverses formes. De plus, il ne relève pas directement des compétences de la Fédération Wallonie-Bruxelles, puisqu’il ne concerne pas l’enseignement organisé ou subventionné. L’enseignement à domicile se trouve à la croisée de nos compétences. Il convient de rester attentif aux conséquences financières du phénomène sur la «clé élèves» et au suivi, par vos services, des raisons pour lesquelles des familles optent pour un enseignement à domicile.

Date de la question parlementaire
Ministre
Caroline Désir