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Député wallon et de la Fédération Wallonie-Bruxelles

Pénurie d'enseignants

M. Jean-Philippe Florent (Ecolo). – À quelques semaines de la rentrée, de très nombreux postes étaient toujours vacants. À Bruxelles, Actiris a observé une hausse de 69 % du volume d’offres d’emploi reçues, y compris pour les enseignants et le personnel d’encadrement. Certains métiers de l’enseignement et de la formation sont classés comme des fonctions critiques en raison du manque de candidats pour répondre à la demande. En Wallonie, les chiffres du SeGEC montraient également une augmentation du nombre d’offres d’emploi, notamment dans les écoles secondaires, estimée à 25 %.

La pénurie est un casse-tête pour les directions et un souci majeur qui peut causer des ruptures d’apprentissage pour les élèves. Plusieurs mesures ont été prises: deux décrets de lutte contre la pénurie et un décret qui cible spécifiquement les professeurs de langue. Madame la Ministre, vous avez également lancé une campagne de promotion sur les réseaux sociaux pour susciter des vocations, notamment de seconde carrière.

À ce jour, vos services ont-ils reçu de la part des directions des chiffres consolidés sur le nombre de postes encore vacants à la rentrée et ventilés selon les années scolaires, l’enseignement maternel, primaire et secondaire?

Avez-vous un retour par rapport à la flexibilité qui a été offerte dès cette rentrée aux directions qui ne trouveraient pas d’enseignants en langues, afin de convertir les périodes non couvertes en accompagnement personnalisé ou en éveil aux langues? Quels sont les résultats de cette expérience? Combien de périodes sont-elles ainsi concernées?

Quels retours avez-vous de la campagne de promotion «Enseigner, plus qu’un métier»? Quel impact a-t-elle eu? Êtes-vous en mesure d’en quantifier les résultats concrets? Quelles suites sont-elles envisagées?

Quelles seront les missions précises du nouveau groupe de travail inter-cabinets évoqué en séance plénière? Quels moyens seront-ils affectés pour lui permettre de remplir ces missions?

Enfin, quelles sont les propositions que vous ont faites certaines fédérations de pouvoirs organisateurs? Sont-elles étudiées par vos services? Quelles pistes ouvrent-elles pour répondre à ce problème crucial?

Réponse

Mme Caroline Désir, ministre de l’Éducation. – Les inquiétudes liées à la pénurie d’enseignants sont bien présentes et tout à fait légitimes.

Il est encore trop tôt pour établir un bilan chiffré complet du recrutement d’enseignants en ce début d’année scolaire. Toutefois, d’après les échos qui me reviennent, la plupart des postes sont pourvus, comme les années précédentes. En raison de la pénurie, certaines difficultés pourraient cependant rapidement se présenter si des remplacements s’avéraient nécessaires.

Sans surprise, certaines fonctions sont plus difficiles à pourvoir que d’autres, notamment celles liées aux langues modernes. Nous étions bien conscients de la difficulté à trouver des enseignants supplémentaires à la suite du changement de l’enseignement des cours de langue, qui sont désormais donnés à partir de la troisième année primaire et quatrième année primaire. C’est pourquoi une mesure de souplesse a été prise: elle permet aux directions d’utiliser les périodes de langue pour renforcer l’accompagnement personnalisé ou pour dispenser de l’éveil aux langues s’il s’avère impossible de recruter un maître de seconde langue, et ce, pendant deux années scolaires.

En tout état de cause, plusieurs mesures spécifiques ont été adoptées au cours de la précédente année scolaire pour résorber la pénurie des maîtres de langue. Ces mesures ne produiront leurs effets que progressivement. Il est probable que les écoles éprouvent des difficultés à trouver tout de suite les enseignants supplémentaires nécessaires. À cet égard, le rapport d’évaluation des mesures de lutte contre la pénurie, porté par le décret du 17 juillet 2020, vous a été transmis avant les vacances d’été. Néanmoins, moins d’un mois après la rentrée, il n’est pas encore possible d’établir un bilan des nouvelles mesures portées par le décret du 1er décembre 2022.

Concernant la valorisation pécuniaire de l’ancienneté portée par ce décret, les prestations à temps plein dans le secteur privé ou en tant qu’indépendant à titre principal peuvent désormais être valorisées pour le membre du personnel engagé dans une fonction de maître de seconde langue en anglais, néerlandais et allemand. Comme précisé sur le site www.enseignerplusquunmetier.be, cette expérience peut être valorisée pour un maximum de cinq ans, uniquement à condition que la langue enseignée ait été utilisée lors des expériences professionnelles en question. La preuve de la pratique de la langue par le membre du personnel peut être apportée par toute voie de droit, par exemple une attestation d’un employeur précédent ou une attestation sur l’honneur dans le cas d’un travailleur indépendant. Cette mesure prend effet à partir de la rentrée scolaire 2023 et n’est donc pas rétroactive au 1er janvier 2023. Mes services ont été chargés de publier une circulaire informative.

Une autre mesure, visant plus spécifiquement les enseignants de langue moderne, a également été instaurée pour cette année scolaire. Elle permet de valoriser des certificats émis par des organismes nationaux et internationaux reconnus dont la liste est reprise dans la réglementation des titres et fonctions et permettant de prouver la connaissance d’une langue moderne – anglais, néerlandais ou allemand – en vue de l’enseigner au niveau fondamental ou secondaire

L’évaluation du dispositif de pool de remplacement des professeurs absents dans l’enseignement primaire a fait l’objet d’un rapport qui vous a été transmis, Mesdames et Messieurs les Députés. Tant les pouvoirs organisateurs que les enseignants interrogés ont mis en avant les points forts du dispositif: la possibilité de remplacement immédiat, la facilité de la mise en œuvre du dispositif et sa souplesse. Pour les enseignants engagés, le dispositif a permis de développer un sentiment d’utilité, a représenté une expérience enrichissante, a offert de la stabilité et a constitué, de ce fait, un emploi attractif. Sur la base de ces éléments et afin de permettre d’expérimenter pleinement le dispositif au cours d’une année scolaire complète, le gouvernement a adopté, le 25 mai dernier, l’arrêté permettant sa prolongation pour une année scolaire, et ce, dans les mêmes conditions. Une évaluation de cette prolongation du dispositif sera menée dans le courant du premier trimestre de cette année scolaire.
Dans le contexte de la pénurie d’enseignants, la Fédération Wallonie-Bruxelles a également lancé, le 17 mai dernier, une campagne de valorisation et de promotion du métier d’enseignant. Pour rappel, cette campagne poursuit deux objectifs précis: mettre à la disposition des personnes intéressées toutes les informations nécessaires relatives à l’accès au métier d’enseignant et attirer le plus possible de personnes vers le métier d’enseignant. L’objectif des actions de communication de cette campagne est d’amener les personnes potentiellement intéressées par une carrière dans l’enseignement à se renseigner sur le site www.enseignerplusquunmetier.be et à y prendre connaissance des modalités pour postuler au métier d’enseignant. Sur ce site, tout candidat au poste d’enseignant trouvera les explications claires et synthétiques sur les quatre grandes manières de postuler dans l’enseignement: par l’intermédiaire de l’application Primoweb, en envoyant une candidature spontanée dans les écoles de son choix, en contactant un ou plusieurs pouvoirs organisateurs ou en passant par les services régionaux chargés de l’emploi.

La campagne de promotion passe par la publication régulière de plus de 20 vidéos dans lesquelles des enseignants expliquent les facettes de leur métier qu’ils affectionnent particulièrement. En complément, les ambassadeurs tels qu’artistes, humoristes et créateurs de contenu partent à la rencontre d’un enseignant qui a marqué leur vie positivement.

Les retours chiffrés de la campagne depuis son lancement sont très positifs. Lors de la première phase de la campagne, les vidéos sont apparues plus de deux millions de fois sur tous les réseaux sociaux confondus, en l’espace de deux mois. Elles ont été vues par plus de 250 000 utilisateurs répondant à notre public cible sur Facebook et Instagram, par plus de 500 000 utilisateurs sur YouTube, par plus de 260 000 utilisateurs sur Snapchat et par environ 22 000 utilisateurs sur LinkedIn. À la suite du visionnage des vidéos d’enseignants et d’ambassadeurs sur tous les réseaux sociaux confondus, il y a également eu plus de 22 000 clics vers le site www.enseignerplusquunmetier.be. En outre, près de 13 000 utilisateurs sont retournés plus d’une fois sur le site, ce qui dénote un fort intérêt.

Nous sommes à présent dans la deuxième phase de la campagne et les chiffres répondent toujours à nos attentes. Au cours des 20 derniers jours, les vidéos récemment publiées ont touché près de 850 000 utilisateurs sur Facebook, Instagram, Google et LinkedIn et ont généré à nouveau plus de 10 000 clics vers le site www.enseignerplusquunmetier.be.

Deux brochures destinées aux enseignants en début de carrière et aux enseignants en reconversion, ainsi qu’un dépliant, ont également été créées et diffusées dans le cadre de cette campagne, qui s’inscrit dans une stratégie à long terme de promotion du métier d’enseignant.

Au sein de l’administration, une cellule a été dédiée à la communication relative au Pacte pour un enseignement d’excellence. Cette cellule est fonctionnelle depuis plusieurs mois et poursuit également un travail de valorisation du métier d’enseignant et des réformes du Pacte. Dans ce sens, l’équipe communique régulièrement sur le site web dédié au Pacte pour un enseignement d’excellence, ainsi que sur les réseaux sociaux de l’administration, et ce, par l’intermédiaire d’actualités, de vidéos et de textes explicatifs, ainsi que de témoignages des équipes éducatives et des experts. Il s’agit, une fois de plus, de valoriser les équipes de terrain, de mettre en avant leur travail et de donner envie de s’engager dans le monde de l’enseignement.

Je vous invite d’ailleurs, Mesdames et Messieurs les Députés, à vous abonner aux différents comptes émanant de cette initiative.

Concernant les modalités de réintégration d’une fonction dans l’enseignement pour les membres du personnel en DPPR qui le souhaitent, les contacts ont bien été établis avec les services du gouvernement fédéral chargés des Pensions, comme je vous l’avais déjà précisé en juin dernier. Plusieurs pistes sont toujours à l’examen, sans qu’aucune n’ait encore été arrêtée définitivement. En effet, cette mesure se heurte à des difficultés considérables sur le plan du statut et de la rémunération. Ces difficultés seront explicitées par le groupe de travail intercabinets visant à identifier les pistes qui devraient mener, d’ici à la fin de la législature, à l’adoption de mesures complémentaires à celles déjà adoptées pour lutter contre la pénurie. Ce groupe de travail a entamé ses travaux et ses membres rencontrent aujourd’hui même les représentants d’Acerta. Ces derniers viennent leur présenter une proposition de collaboration relative aux possibilités de partage de travailleurs issus du secteur privé avec l’enseignement. Ce groupe de travail sera prochainement ouvert aux acteurs de l’enseignement afin d’envisager les pistes à mettre en œuvre.

Madame Schyns, la piste consistant à engager des experts en suivant le modèle de l’enseignement de promotion sociale fera l’objet d’un examen attentif. Mon cabinet a d’ailleurs déjà rencontré les représentants du SeGEC pour évoquer cette proposition intéressante. Je ne manquerai pas de revenir vers vous dès que le groupe de travail aura dégagé des mesures concrètes.

Réplique

M. Jean-Philippe Florent (Ecolo). – Vous nous dites, Madame la Ministre, que l’essentiel des postes est pourvu et que les pénuries restent ponctuelles. Comme mes collègues, je peux comprendre qu’il est trop tôt pour disposer des derniers chiffres, mais je souligne qu’il est important que nous puissions comparer les chiffres relatifs à la pénurie d’année en année.

Concernant la campagne «Enseigner, plus qu’un métier», je serai moins dur que M. Kerckhofs, car je trouve cette initiative intéressante, non seulement pour attirer de nouveaux profils, mais aussi pour changer le regard sur le métier d’enseignant. À cet égard, je trouve que le titre de cette campagne est excellent puisqu’il valorise la mission de l’enseignant. Néanmoins, même si ce n’est pas qu’un métier, c’est aussi un métier. La valorisation et les conditions de travail pour maintenir les enseignants tout au long de leur carrière sont donc importantes.

Je serai donc très attentif aux résultats du groupe de travail concernant les nouvelles mesures à adopter pour lutter contre la pénurie. Nous serons certainement nombreux à vous questionner sur les avancées de ce groupe de travail, sur son calendrier ainsi que sur les textes que vous venez de nous annoncer.

Date de la question parlementaire
Ministre
Caroline Désir