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Député wallon et de la Fédération Wallonie-Bruxelles

La position belge au Conseil européen des Ministres de l'Environnement sur la loi sur la restauration de la nature

Si vous le permettez, je vais plutôt me concentrer sur cette question de la loi sur la restauration de la nature puisque je poserai ma question sur la BCAE directement au ministre de l’Agriculture. Monsieur le Ministre, ce mardi 20 juin, une majorité qualifiée a été trouvée au Conseil européen de l’Environnement en faveur de la loi de restauration de la nature. C’est une très bonne nouvelle. Après le passage en Commission de l’environnement au Parlement européen, c’est une nouvelle étape franchie pour cette loi essentielle pour l’avenir des habitats naturels, pour l’avenir de la biodiversité et de l’environnement dans son ensemble sur notre continent. Malheureusement, il faut remarquer l’abstention de la Belgique. J’en déduis que les différentes entités ne sont pas parvenues à un accord sur cette loi de restauration de la nature. Effectivement, les informations parvenues après la rédaction de cette question confirment cet état de fait. Pouvez-vous nous expliquer les actions entreprises pour construire une position commune et ambitieuse en dépit des conservatismes de certains responsables politiques ? La position wallonne a-t-elle été favorable au texte ? Quelles actions politiques sont encore à entreprendre pour éviter une irresponsable pause alors que l’urgence climatique, l’urgence de l’effondrement de la biodiversité n’ont jamais été aussi prégnantes sur le territoire européen ? Quels enseignements tirez-vous de l’opposition de certains États membres, en particulier de la Finlande et la Suède, assez étonnamment ? Aujourd’hui même, la Commission environnement du Parlement européen n’est pas parvenue à s’accorder à soutenir ce texte. Il y a eu un ex æquo des votes. Tout le PPE et quelques députés Renew ont voté contre. Je regrette d’ailleurs l’absence de la députée Renew qui s’était déclarée favorable et qui aurait pu faire pencher la balance. L’heure de vérité aura lieu en juillet en séance plénière du Parlement européen. C’est dire si nous serons – ainsi que toute l’Europe, tous les citoyens soucieux de cette question de la restauration de la nature – attentifs au vote en plénière en juillet.

Réponse

Mme Tellier , Ministre de l’Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal. – Messieurs les Députés, ce mardi 20 juin, une majorité qualifiée a été trouvée au Conseil européen de l’Environnement en faveur de la loi de restauration de la nature. C’est en soi une très bonne nouvelle. En effet, les indicateurs d’état de la biodiversité sont au rouge, alors que celle-ci, faut-il le rappeler, constitue le socle dont dépend notre survie. Le projet de loi européenne en cours de discussion revêt une importance capitale, puisque ce texte devrait fixer un cadre pour les mesures de restauration de la biodiversité à mettre en œuvre au cours des prochaines décennies. Il s’agit de réussir à inverser la tendance très inquiétante de réduction de la surface et de la qualité des habitats naturels et des espèces qui en dépendent. En effet, à côté de la protection de certains habitats, il importe aussi d’arrêter la dégradation des espaces naturels et de restaurer leur état. Rappelons, Monsieur Desquesnes, que si 80 % des habitats naturels sont dégradés en Europe, ce chiffre monte à 95 % en Belgique. Il est indispensable et urgent d’agir. Malgré les tentatives des conservateurs de supprimer, puis de déforcer sensiblement le texte, ayant entraîné un durcissement et un repositionnement de certains partis belges, le texte tel que soutenu au Conseil européen de l’Environnement maintient un cap chiffré et ambitieux nécessaire pour faire face au défi climatique et à l’effondrement de la biodiversité. Néanmoins, comme vous, je regrette profondément que la Belgique ait failli en n’exprimant pas son soutien clair lors du vote, alors que la Belgique avait elle-même soutenu le texte en décembre 2022, ainsi que la philosophie générale dans le cadre de la COP15 à Montréal, où je représentais d’ailleurs la Belgique. J’ai suivi de très près les discussions en cours sur ce dossier au sein des différentes instances du Conseil. Depuis le mois de mars, les différents Gouvernements ont été en contact étroit et régulier en vue de parvenir à une position belge. De nombreux échanges ont également eu lieu entre les ministres wallons et leurs représentants pour définir une position wallonne équilibrée, ambitieuse et réaliste. Au cours de ces échanges, j’ai défendu sans relâche un haut degré d’ambition à l’égard de ce projet de texte, tout en revêtant une posture d’ouverture à l’égard des intérêts et préoccupations des autres parties prenantes. En date du 1er juin, le Gouvernement wallon a validé, Monsieur Desquesnes – pour répondre clairement à votre question –, une position insistant sur l’importance des mesures de préservation et demandant le maintien du niveau d’ambition, notamment une large portée géographique du texte, tant en dehors que dans le réseau Natura 2000, et des mesures de préservation qui ne se limitent pas aux zones restaurées ou en bon état de conservation. Je souhaite d’ailleurs remercier ici mes collègues du Gouvernement et nos équipes, des cabinets et de l’administration, pour l’important travail mené collégialement. Malheureusement, cette position n’a pas été soutenue par les partis conservateurs flamands, en particulier l’Open VLD et le CD&V, qui sont revenus sur leur parole d’un potentiel soutien et ont préféré faire écho aux lobbies des partisans de l’intensification de l’agriculture et tenter de reporter l’action nécessaire et urgente pour la sauvegarde de notre planète. Comme vous le soulignez, des réticences bien réelles persistent. Le vote de plusieurs États membres 8 contre l’approche générale du Conseil illustre qu’il est primordial de susciter une prise de conscience sur les avantages environnementaux, économiques et sociaux d’écosystèmes en bon état. Toutefois, pour mener ce débat sereinement, Monsieur Desquesnes, il faut travailler sur base de la science et des faits et sur base des propositions réellement sur la table, plutôt que d’attiser les peurs parfois reptiliennes de la population, comme lorsque certains n’hésitent pas à parler de risques de famine en Europe à cause de cette loi. C’est totalement ridicule et contraire à toutes les analyses. Je rappelle que le plus grand danger pour notre souveraineté alimentaire, c’est justement la perte de fertilité des sols, la disparition des pollinisateurs, notre dépendance aux grands groupes de semenciers internationaux ou d’intrants chimiques et notre mise en concurrence avec le bout du monde par des traités internationaux d’un autre âge. Sans compter la spéculation sur les marchés alimentaires comme nous l’avons vécu depuis le début de l’agression russe en Ukraine. Plusieurs acteurs économiques importants au sein du secteur privé agroalimentaire comme de la Banque centrale européenne se sont récemment exprimés en reconnaissant notre besoin d’accès à un environnement sain, essentiel à la résilience et à la compétitivité de entreprises et de nos économies. J’espère que les formations politiques qui ont jusqu’ici freiné le texte – notamment le PPE, que vous connaissez bien, Monsieur Desquesnes – comprendront également qu’investir dans la prévention de la dégradation des terres et dans la restauration des terres dégradées présente des intérêts économiques certains. Les bénéfices retirés dépassent généralement de loin les coûts engendrés, notamment le coût de l’inaction, bien plus élevé et risqué, comme avec certaines crises, dont celle de l’azote qui a secoué la Flandre ou les Pays-Bas. Tous les regards sont désormais tournés vers le Parlement européen. Chaque famille politique doit prendre ses responsabilités, tout d’abord, ce jour, où les débats se sont poursuivis en Commission de l’environnement du Parlement européen, avec une attitude à nouveau regrettable du PPE – dont le groupe Les Engagés fait partie – et d’une partie du groupe Renew, ensuite surtout début juillet pour le vote en plénière du Parlement. J’espère que chaque député votera puis se regardera dans une glace en sachant qu’il a voté en son âme et conscience, dont la députée libérale Frédérique Ries qui, à nouveau, s’est absentée – sans doute pour aller aux toilettes – plutôt que de voter aujourd’hui au Parlement européen. Il est minuit moins une. J’espère que la Belgique se montrera à la hauteur des attentes. Un long travail sur ce texte reste encore à faire. Il faut unir nos forces pour redonner à la nature toutes les chances de se remettre sur pied, pour elle-même et pour tous les services essentiels qu’elle nous procure, comme nous nourrir, purifier notre air et notre eau, et nous protéger des catastrophes naturelles qui risquent d’être de plus en plus fréquentes et intenses. Agir à l’échelle européenne est aussi important qu’agir à l’échelle locale. En effet, les événements météorologiques récents rencontrés chez nous démontrent combien notre rapport à la nature doit évoluer et combien il est nécessaire de gérer autrement nos sols et nos territoires, tant pour préserver leurs fonctions productives et nourricières que pour éviter des dégâts et les coûts de gestion des coulées boueuses. Le dérèglement climatique augmentera ce type d’événements et la problématique de l’érosion risque de s’accroître. Le rôle du Plan stratégique de la PAC est essentiel pour traduire les objectifs européens en mesures d’action locales. C’est le cas de la BCAE 5. Elles répondent d’ailleurs aux recommandations de la commission d’enquête de ce Parlement wallon sur les inondations. Je vous invite à les relire. Mon collègue a d’ailleurs confirmé en Commission de l’agriculture la nécessité de ces mesures. Il est aussi indispensable d’emporter l’adhésion des agriculteurs. Ils connaissent leurs sols et ils ont une haute maîtrise technique pour ce qui concerne la production. Malgré cela, trois communes sur quatre ont sollicité la Région ces dernières années pour des problèmes d’érosion. Il y a quelques jours encore, les fortes pluies ont provoqué, çà et là, des coulées boueuses.Nous ne pouvons pas continuer ainsi et laisser les agriculteurs livrés à eux-mêmes. Le nouveau système est un réel changement de paradigme qui donne davantage d’autonomie aux agriculteurs qui reçoivent une information sur les parcelles à risques, ont accès à un outil de simulation et ont le choix dans un panel de mesures à mettre en œuvre. L’accompagnement des agriculteurs dans la transition est une étape essentielle. Nous avons mis en place des projets dans le cadre du Plan de relance ou via certaines subventions en ce sens. Je me réjouis d’entendre que mon collègue en charge de l’Agriculture a confirmé en commission sa décision de libérer des budgets pour cet accompagnement. Je le soutiens dans cette démarche et je suis prête à y travailler dès lors que certaines organisations que je subventionne pourraient élargir leurs activités pour réaliser ce conseil. Je plaiderai avec lui au Gouvernement sur la nécessité de prévoir cet accompagnement sur plusieurs années. En ce qui concerne les résultats du groupe de travail « Érosion » et l’annonce d’une réduction de l’ampleur des mesures, nous venons de recevoir les propositions de mon collègue et sommes en train de les étudier. Je note à ce stade que seule la FWA demande d’interrompre les discussions en cours au sein du groupe de travail et que ce n’est pas partagé par les autres syndicats agricoles. La mesure initiale était ambitieuse, nécessaire et validée par tous. S’il est important de maintenir cette ambition, tout en assurant une mise en œuvre accessible au secteur, les défis à venir ne permettent ni de revenir à un modèle antérieur ni de mettre – Monsieur Florent, vous avez raison – la nature sur pause. C’est un point d’attention essentiel que je garderai à l’esprit tout au long des négociations à venir au Gouvernement.

Réplique

La Belgique a failli. Les mots sont très durs, Madame la Ministre, mais je les partage amplement. Notre pays a fait partie d’une poignée d’États membres qui n’ont pas saisi l’importance historique du texte soumis au Conseil européen. En revanche, vous nous confirmez – c’est un soulagement – que le Gouvernement wallon dans son ensemble s’est exprimé en faveur d’une position ambitieuse sur la loi sur la restauration de la nature. Je nous invite à ne pas suivre cette envie de pause voulue par les familles conservatrices flamandes. Que chaque famille politique prenne la juste mesure de ce qui se joue en juillet au Parlement européen. Effectivement, si Mme Ries s’était positionnée ce matin en faveur de cette loi – elle a 0 malheureusement dû s’absenter –, la Commission de l’environnement validait la proposition. C’est vraiment une énorme occasion manquée. C’est une grande responsabilité. Au mois de juillet, c’est très clair que nous regarderons avec une attention très vigilante le vote des députés européens, notamment le vote des représentants belges du PPE, pour voir si des positionnements publics pour une action ambitieuse, pour le climat, pour la biodiversité sont en concordance avec les votes. Je termine par rappeler que les avantages environnementaux, sociaux, économiques de cette loi sont très bien compris par de grandes entreprises qui ne peuvent être qualifiées d’environnementalistes par essence, mais qui se sont exprimés en faveur de cette loi.

Date de la question parlementaire
Ministre
Céline Tellier

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