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Député wallon et de la Fédération Wallonie-Bruxelles

La séquestration du carbone dans les sols

Monsieur le Ministre, la Région wallonne s'est engagée à réduire de 55 % ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030. Or, selon Mme Chenu, chercheuse française à l'INRA et professeur à AgroParisTech, l'agriculture représente un secteur incontournable pour séquestrer le carbone dans les sols. En tant que porte-parole de l'initiative « 4 pour 1 000 », elle préconise d'augmenter le stockage de carbone de 0,4 % chaque année dans les sols agricoles. Si cette pratique était généralisée de par le monde, cela compenserait, selon la chercheuse, l'équivalent de ce qui est annuellement émis de notre planète vers l'atmosphère. Bien entendu, et je le souligne, il ne s'agit nullement ici de dédouaner les autres secteurs et de faire reposer tout l'effort climatique sur l'agriculture. L'initiative « 4 pour 1 000 » ne sera pas la panacée, mais elle pourrait s'avérer fort utile pour permettre à la Wallonie d'atteindre son ambitieux objectif climatique. Précisons qu'il convient de séquestrer ce carbone sur le long terme, donc pas uniquement le stocker pendant quelques années. Certaines mesures agricoles peuvent être entreprises dans ce sens et, de surcroît, elles ont souvent un intér êt économique puisqu'elles préservent la qualité des sols, qui est également un enjeu pour notre agriculture. Ces mesures sont, par ordre de priorité : - les couverts végétaux ; - l'arr êt des techniques de brûlis, mais qui ne concerne pas notre Région ; - la conservation des résidus de culture au champ ; - l'apport de matière organique : fumier, compost ; - l'agroforesterie ; - les techniques culturales simplifiées ; - enfin, le non-labour. Selon votre analyse, quelle part dans l'effort de réduction des émissions de gaz à effet de serre l'agriculture wallonne devrait-elle prendre part ? Sachant que le PNEC, adopté en 2018, a établi un plafond pour l'agriculture à 4,331 millions de tonnes de CO 2 et que l'enveloppe globale se chiffre plus ou moins à 34 millions de tonnes, cette enveloppe globale doit ê tre réduite de 29 % selon la DPR. À ma connaissance, il n'y a pas encore de plafonds chiffrés pour l'agriculture en Région wallonne. Quelle stratégie adoptez-vous pour la contribution de l'agriculture à l'effort climatique ? Ce qui revient un peu au m ême par rapport à ma première question. (Rires) Disons que la première est mieux chiffrée. Elle vous laisse la possibilité d' être plus vague ou plus précis. La séquestration de carbone fait-elle partie de la stratégie ? Comment cette séquestration carbone sera-t-elle mise en pratique ?

Réponse

M. Borsus , Ministre de l’Économie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l’Innovation, du Numérique, de l’Aménagement du territoire, de l’Agriculture, de l’IFAPME et des Centres de compétences. - Monsieur le Député, les techniques que vous mentionnez sont clairement à privilégier, promouvoir, mais aussi à encourager, m ême si une partie d'entre elles sont déjà effectives en Région wallonne. Notons, vous l'avez relevé vous-m ême, que les techniques de brûlis ne sont plus utilisées en notre Région, en notre pays, les couverts végétaux sont à recommander ainsi que les apports de matière organique qui sont en augmentation ; avec cependant une nuance pour les effluents d'élevage qui diminuent suite à l'évolution à la baisse du cheptel bovin. En ce qui concerne la conservation des résidus de culture, il faut noter aussi que, à côté des bienfaits sur la qualité des sols, ceux-ci sont des sources d'émissions de dioxyde d'azote, N20. De m ême, les techniques culturales simplifiées et le non-labour ne sont pas des solutions idéales en toute situation, car elles peuvent avoir partiellement des effets négatifs. En effet, des chercheurs ont observé des émissions plus conséquentes de N20 dans des parcelles avec ces techniques, m ême si cela semble être l'exception. Il y a ici un travail de stabilisation et de conciliation des différents éléments d'analyse qu'il convient, me semble-t-il, de pouvoir mener. L’agroforesterie est une pratique à encourager en Wallonie. Des études ont démontré l’effet bénéfique sur la qualité des sols, sur la biodiversité et sur les rendements. Elle permet en outre une diversification des revenus et favorise l’adaptation aux impacts des changements climatiques et la lutte contre ceux-ci, la réduction de l’érosion du sol et des coulées boueuses, elle crée de l’ombre et de la fraîcheur dans les prairies de pâturage. Par ailleurs, j’attire votre attention sur une autre mesure qui me semble importante pour favoriser le stockage de carbone dans les sols et qui ne semble pas mentionnée, ou en tout cas de façon significative, dans l’étude. En effet, suivant des données disponibles au niveau wallon, les prairies stockent annuellement du carbone tandis que les terres de cultures sont une source d’émission. La première mesure, m ême si c’est un dispositif que nous soutenons, est donc d’assurer le maintien des prairies permanentes. Je précise encore que les budgets du PNEC que vous évoquez concernent les émissions de méthane et de protoxyde d’azote du secteur agricole, mais n’incluent pas, à ce stade en tout cas, la séquestration du carbone dans les sols. Quand je dis la séquestration, c’est la séquestration à très longue durée. Enfin, concernant la contribution de l’agriculture à l’objectif de -55 % annoncé dans la DPR, ceci a fait l’objet de larges débats au moment de la négociation gouvernementale. On a fait le choix de mener un certain nombre d’analyses, de pouvoir valider ces analyses, de pouvoir mener concertation pour définir le potentiel effectif, réel, raisonnable ; ce potentiel de réduction de l’émission au départ du secteur agricole. Je ne peux donc pas encore à ce stade répondre à votre question, mais je me permets d’indiquer la méthodologie que nous avons retenue pour pouvoir, le moment venu, fixer cette part contributive. Par ailleurs, dans le contexte d’une vision de neutralité carbone à plus long terme, la séquestration du carbone fera certainement partie des mesures qui, en s’appuyant sur la Politique agricole commune et les mesures agroenvironnementales, permettront alors de participer à la rencontre de l’objectif que vous avez très légitimement mentionné.

Date de la question parlementaire
Ministre
Willy Borsus

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