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Député wallon et de la Fédération Wallonie-Bruxelles

L'état de l'environnement

Madame la Ministre, comme ma collègue le disait, si l'on en croit le dernier rapport sur l'état de l'environnement, cela n'a rien d'enthousiasmant. L'objectif, d'ailleurs poursuivi de longue date par la Région, d'enrayer la détérioration des habitats et espèces d'intérêt communautaire, et d'améliorer leur état de manière significative et mesurable dès 2020, n'est tout simplement pas atteint. Sur 56 espèces d'intérêt communautaire, vulnérables, en danger ou typiques de l'Europe, que compte la zone au nord du sillon Sambre-et-Meuse, 40 étaient dans un état de conservation défavorable pour la période 2013-2018, huit étaient dans un état favorable et huit dans un état inconnu. Au sud de la zone continentale, ce sont 52 espèces sur 72 qui sont dans un état défavorable. Il s'agit par exemple du crapaud accoucheur, de la coronelle lisse, de l'écrevisse à pattes rouges, de la loutre d'Europe ou du grand murin. Quinze sont dans un état favorable et cinq dans un état inconnu. Pire, la situation semble se dégrader par rapport à la dernière évaluation. Au niveau des habitats, sur les 41 présents en Wallonie, un seul – les grottes et cavités souterraines – est dans un état de conservation favorable. Les autres dans un statut défavorable ou pas suffisamment évalué. Les indicateurs sont également négatifs pour les landes humides, les pelouses calcicoles, les tourbières et les hêtraies à luzule. Le rapport pointerait l'agriculture intensive comme l'une des raisons premières de cette évolution. Pouvez-vous partager avec nous les enseignements que vous tirez de ce rapport ainsi que des enseignements tirés par votre administration ? Quelles sont les causes majeures de cette détérioration ? Quelles sont les pistes de solution pour redresser la barre ? La stratégie 360° peut-elle également solutionner, à court terme ou à moyen terme, cette situation défavorable ? Comment envisagez-vous de faire évoluer les pratiques agricoles pointées dans ce rapport, de concert avec votre collègue, le ministre de l'Agriculture, pour une meilleure préservation des habitats et des espèces ?

Réponse

Mme Tellier , Ministre de l’Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal. - Madame et Monsieur les députés, comme vous le savez, la préservation de la biodiversité est l'un de mes combats majeurs pour cette législature. Comme vous l'indiquez, l'état de conservation des habitats et des espèces d'intérêt communautaire est majoritairement défavorable, et la situation semble se dégrader par rapport à la précédente évaluation. Notons néanmoins que les résultats des évaluations ne sont pas tout à fait comparables parce que des changements ont eu lieu entre les différentes périodes de rapportage sur le plan strictement méthodologique ; mettons cela de côté à ce stade. Les pressions les plus fréquemment identifiées pour expliquer cette situation sont les suivantes : - l'intensification des pratiques agricoles ; - l'incidence de pollutions diverses, notamment liées à l'emploi de pesticides ou aux retombées d'azote ; on en a parlé tout à l'heure ; - l'artificialisation et l'urbanisation du territoire ; - les densités excessives de cervidés et de sangliers ; - le manque de bois mort et la compaction des sols forestiers ; - les espèces exotiques envahissantes et le changement climatique. L'évaluation prend également en compte l'état de conservation des habitats et des espèces Natura 2000 en dehors des sites Natura 2000. Les zones situées en dehors du réseau Natura 2000 et qui ne bénéficient donc pas de la protection spécifique liée à ce réseau subissent une dégradation plus importante et plus rapide. De plus, pour certaines espèces dont les surfaces d'habitats sont devenues trop petites ou trop éloignées, la régression risque de se poursuivre même si les pressions sont stoppées. De façon plus générale, les effets des efforts de restauration mettent du temps à se marquer, car les espèces et les habitats réagissent lentement. C'est bien pour inverser cette tendance que la Déclaration de politique régionale est ambitieuse en matière de biodiversité. L'intégration des zones candidates Natura 2000 dans le réseau écologique wallon et la réalisation des plans de gestion des sites Natura 2000 contribueront à améliorer les états de conservation. Je viens d'ailleurs de valider le marché de service destiné à l'accompagnement des premiers plans de gestion des sites Natura 2000. Plus directement, les projets LIFE portant sur la préservation de la biodiversité et les subventions à la restauration des sites Natura 2000 dans le cadre du Programme wallon de développement rural, le PWDR, contribuent à l'amélioration des états de conservation. Je compte poursuivre et amplifier cette dynamique. À ce titre, la Commission européenne a retenu trois projets LIFE que j'ai déposés au Gouvernement en début d'année. J'ai également affecté 2,3 millions d'euros supplémentaires pour soutenir la mesure inscrite au PWDR. En ce qui concerne les milieux agricoles, la future Politique agricole commune 2021-2027 prévoit des objectifs plus ambitieux concernant la préservation des paysages et de la biodiversité. Les mesures d'indemnisation qui soutiennent une gestion adéquate des sites Natura 2000 et les mesures de gestion volontaires des habitats plus sensibles, via les mesures agroenvironnementales et climatiques, dans et en dehors des sites Natura 2000, ont évidemment toute leur importance. Les mesures contribuant au maintien et à la restauration du maillage écologique sont également essentielles pour assurer la connexion entre les sites. À ce stade, les besoins pour les différents objectifs de la stratégie régionale de la prochaine PAC ont été identifiés et les concertations relatives à la mise en œuvre plus opérationnelle débutent seulement avec les parties prenantes. De manière plus générale, comme prévu par la DPR, mes services préparent la stratégie Biodiversité 360° qui doit fixer pour la décennie 2020-2030 des objectifs qui s'adressent aux principales causes de régression de la biodiversité de façon transversale et qui comportera des mesures qui devraient favoriser l'ensemble des groupes vivants et leurs habitats. Je compte sur le sens des responsabilités de l'ensemble du Gouvernement pour qu'une stratégie ambitieuse voie le jour durant l'année 2021. Il s'agit à mon sens d'une étape indispensable pour freiner l'érosion de la biodiversité et la restaurer. Concrètement, et sans attendre l'adoption de la stratégie, la protection annuelle de 1 000 hectares de réserves naturelles – on en a déjà protégé 1 098 au mois de mai dernier –, la plantation de 4 000 kilomètres de haies ou la mise en place d'un réseau écologique fonctionnel sont des projets importants de la DPR qui contribueront à améliorer le statut des espèces en déclin. Ces projets seront complétés par les nouvelles mesures qui découleront de la stratégie Biodiversité 360°. Enfin, et sans attendre celle-ci là aussi, j'adopterai un cadre juridique pour concrétiser sur le terrain les dispositions générales relatives à la protection des espèces animales visées par les articles 2 de la loi sur la Conservation de la nature. Il s'agit par exemple de la protection des oiseaux en période de reproduction en encadrant les tailles de haies, l'abattage des arbres ou encore les fauches excessives en bords de routes. Vous avez eu l'occasion de voir la mobilisation citoyenne importante sur le sujet. On a eu l'occasion de rencontrer les auteurs de la pétition et nous travaillons de concert, notamment avec mon collègue, M. le Ministre Henry pour résoudre cette problématique du fauchage en bord de routes, notamment.

Réplique

Merci pour ces réponses qui permettent d'identifier les grands leviers dont dispose la Wallonie pour redresser la situation même si l'on se rend bien compte que ce n'est pas simple. Il y a bien sûr celles qui entrent directement dans vos compétences. Clairement, ce rapport conforte votre objectif pour votre stratégie 360, mais également de mettre en réserve 1000 hectares chaque année d'aires protégées. Vous avez également signalé qu'une partie de la solution se trouve dans les compétences de M. le Ministre Borsus. La PAC va certainement permettre de réorienter les aides vers des pratiques plus respectueuses de la biodiversité. C'est un enjeu majeur pour notre région. Vous avez également cité parmi les causes, la surpopulation de grands gibiers, l'artificialisation des sols. Une fois encore, on devra compter sur la solidarité de l'ensemble des membres du Gouvernement pour faire de notre belle région, une région plus respectueuse de la biodiversité. C'est un enjeu majeur.

Date de la question parlementaire
Ministre
Céline Tellier

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