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Député wallon et de la Fédération Wallonie-Bruxelles

Le nouveau blocage d'un projet éolien

Monsieur le Ministre, le parc éolien de Houffalize, en recours à la suite d’un refus en première instance, attendait une décision du Gouvernement wallon ce vendredi 8 septembre 2023. Il nous revient que le projet est recalé. Situé le long de l’infrastructure autoroutière E25, à plus de 1 000 mètres de tout habitat, d’une puissance totale installée maximale de 25 mégawatts – 4,2 mégawatts par éolienne – et offrant un productible annuel de 60 000 mégawattheures, ce projet éolien jouissait d’un avis favorable de la commune de Houffalize. Et pour cause, cette dernière avait choisi de mettre en place, avec d’autres, une forme de planification sur son territoire. Les communes de Houffalize, de Gouvy ainsi que le CPAS de la Ville de Bruges s’étaient associés pour placer leurs propriétés en commun et ainsi lancer un appel public en 2019 assorti d’un cahier des charges en vue du développement, de la construction et de l’exploitation d’un parc éolien sur la commune de Houffalize. Tous les revenus locatifs liés au projet étaient destinés à ces entités publiques. Par ailleurs, le projet s’ouvrait à une participation publique et citoyenne de 59 PW – Session 2023-2024 – CRIC n° 13 – Économie – Mardi 26 septembre 2023 30 % avec des mesures de compensation au niveau de la biodiversité. Il s’agissait donc d’une initiative communale proactive pour planifier, organiser un développement éolien non anarchique, comme on peut parfois en avoir en Wallonie. Bref, un exemple à suivre pour éviter la jungle qui parfois est la conséquence de ce genre de projet. Le blocage de ce type de projets portés par les pouvoirs locaux représente une véritable menace pour nos objectifs climatiques. Le Gouvernement s’est engagé via la pax eolienica II à permettre d’augmenter le potentiel de production éolienne en Région wallonne afin d’atteindre une production annuelle de l’ordre de 6 200 gigawattheures en 2030. Rappelons aussi que le PACE 2030 valide cet objectif. De manière globale, il vise une production d’électricité renouvelable à l’horizon 2030 de 13,6 térawattheures, soit une croissance, que nous devons mettre en place, de 250 % par rapport à la situation actuelle. Nous n’y arriverons pas si de tels projets éoliens sont systématiquement refusés par le Gouvernement wallon, alors même qu’ils sont soutenus par les communes. C’est assez singulier. Pourquoi bloquer des projets aussi aboutis et respectueux des balises émises par la Région ? Comment le Gouvernement compte-t-il compenser les 60 000 mégawattheures perdus ? Est-il prévu de faire peser davantage d’efforts sur les agriculteurs, sur le secteur des transports, sur les aéroports ? Quelles solutions proposez-vous ? 2030, c’est demain, et c’est l’avenir de toute la région, notre avenir, qui se joue dans ce genre de projets d’énergie renouvelable. Enfin, avez-vous pris contact avec les autorités communales concernées au premier chef par votre décision ? J’ai entendu récemment la réaction de Philippe Cara, l’échevin de Houffalize en charge de l’appel à projets. Il vous pose directement une question simple : y a-t-il encore une volonté dans votre chef de permettre le développement de projet éolien de qualité ? Je rappelle que ce projet aura représenté à lui seul 10 % du productible éolien de la Région wallonne en 2022.

Réponse

M. Borsus , Ministre de l’Économie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l’Innovation, du Numérique, de l’Aménagement du territoire, de l’Agriculture, de l’IFAPME et des Centres de compétences. – Monsieur le Député, suivant mon analyse, ce projet aurait dû être refusé en recours par ma collègue, Mme Céline Tellier, et par moi-même. Il est incompréhensible qu’il n’y ait pas une décision de refus qui ait été formulée en recours. Comme vous le savez, j’étais favorable à un refus, et ma collègue favorable à un octroi, malgré les nombreux avis négatifs formulés. Tout d’abord, en ce qui concerne la première instance, les fonctionnaires techniques pour le volet environnemental, et les fonctionnaires délégués pour le volet urbanistique avaient pris eux-mêmes, sur la base d’un certain nombre d’avis, une décision négative. Lorsque l’instruction de ce recours a été menée, j’ai enregistré les avis défavorables du pôle « Aménagement du territoire ». L’échevin que vous citez a affirmé publiquement que le pôle « Aménagement du territoire » avait remis un avis positif ; rien n’est plus faux. J’ai l’avis du pôle « Aménagement du territoire » qui est repris dans la délibération de mon administration ; cet avis est négatif, défavorable. Le pôle Environnement a remis un avis défavorable. Vous pouvez, Monsieur le Député, rappeler à l’assemblée qui compose ces deux pôles « Aménagement du territoire » et Environnement. En ce qui concerne le SPF Mobilité et Infrastructures, il avait lui-même émis un certain nombre de remarques et un avis défavorable, en raison de la proximité avec l’autoroute d’une partie de l’infrastructure. Je pouvais encore répondre à cet élément. Notons l’avis défavorable du Parc naturel des deux Ourthes et du Département de la nature et de la forêt du SPW. Ce n’est tout de même pas moi qui ai la tutelle ni sur les différents interlocuteurs que je viens de mentionner ni sur le Département de la nature et de la forêt. La décision de refus qui nous a été transmise par nos fonctionnaires délégués et nos fonctionnaires techniques en recours était elle-même négative. Après consultation, la proposition qui nous est soumise est elle-même négative. Parmi les éléments qui nous étaient soumis, le projet est réputé être contraire au Schéma de développement communal, et la demande ne démontre pas adéquatement qu’elle rencontre les conditions d’application de l’article D.4/5 qui fixe notamment les conditions de dérogation par rapport au Schéma de développement communal. Par ailleurs, la décision querellée relève également des incidences paysagères du projet et un certain nombre de lacunes du dossier à propos de travaux et d’aménagements. Enfin, la décision soulignait l’inadéquation de certains aménagements, en raison de la proximité d’un PW – Session 2023-2024 – CRIC n° 13 – Économie – Mardi 26 septembre 2023 60 axe de ruissellement et en raison d’espaces imperméabilisés ou qui le seraient à l’avenir. En ce qui concerne ce dossier, la partie demanderesse a, comme en toute circonstance, la possibilité d’introduire un recours auprès du Conseil d’État, si elle estime que nos fonctionnaires techniques et délégués en première instance ont délibéré d’une façon inappropriée. J’évoque la première instance, puisque, à défaut de décision commune de l’autorité de recours dans le délai prévu par le décret du 11 mars 1999, c’est bien la décision de première instance qui s’applique. Je veux aussi souligner les éléments positifs de ce projet. Comme vous l’avez très justement mentionné, au départ d’une initiative communale, il y avait un appel public à manifestation d’intérêt, puis une attribution de ces espaces conjugués de deux communes et d’un CPAS qui permettait le déploiement de l’investissement éolien. Parmi les éléments positifs, je notais aussi la possibilité d’avoir un investissement citoyen dans le cadre de ce projet. Toutefois, nous propose-t-on de nous asseoir complètement sur un certain nombre de préoccupations, qu’elles soient d’intérêt paysager, de cadre de vie, biologiques, de biodiversité, ainsi que sur tous les avis des organes que je viens de mentionner, parce qu’un productible, à un endroit, est important ? Je suis désolé, nous avons une attitude très volontariste. J’ai relevé – pour éviter la tentation d’avoir une communication qui ne serait pas fidèle à la réalité – çà et là que l’on a délivré plus de 180 implantations d’éoliennes l’année dernière. Nous avons autorisé, à travers les permis, les implantations de plus de 180 éoliennes en Région wallonne. La communication d’Edora, la représentation du lobby industriel éolien, soulignait avec satisfaction le développement du productible en 2022. Par ailleurs, je voudrais indiquer qu’il y a aujourd’hui plusieurs centaines d’éoliennes en projet en Région wallonne. Vous m’entendez bien, il y a plusieurs centaines d’éoliennes en projet en Région wallonne, à un stade ou l’autre de la procédure. Depuis la RIP – la réunion d’information préalable –, la première instance, le rapport sur les incidences environnementales, en instruction ou en recours, ou à un stade ou l’autre au Conseil d’État en termes de procédure, de nombreux dossiers ont été accordés l’année dernière. Il y en a beaucoup d’autres dans le pipe . Certains qui sont acceptables, certains qui ne le seront pas. Telle est ainsi l’appréciation normale de l’autorité administrative.

Réplique

Merci pour les éléments de réponse, y compris celui dont je n’avais pas conscience, qui était le refus du fonctionnaire délégué en aménagement du territoire. J’avais également compris que c’était un refus… M. Borsus , Ministre de l’Économie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l’Innovation, du Numérique, de l’Aménagement du territoire, de l’Agriculture, de l’IFAPME et des Centres de compétences. – Du pôle Aménagement du territoire. M. Florent (Ecolo). – Vous nous dites : « Il y a un nombre important de refus, ils sont nombreux ». Nombreux, c’est un jugement de valeur. Je pense que, en recours, il y a eu cinq avis favorables qui ont été rendus sur les neuf instances consultées. Il y a donc, effectivement, des avis défavorables, comme à chaque fois. Le simple fait d’être à proximité d’une autoroute, selon moi, ne devrait pas disqualifier directement un projet. Quant au DNF, j’entends son refus. Convenons tout de même que le DNF s’oppose presque systématiquement à des projets éoliens qui sont en lisière de forêt, sans toujours réaliser que l’impact du dérèglement climatique va être 1000 fois plus délétère sur la forêt et la biodiversité. Je ne peux pas vous en tenir rigueur, je constate simplement. La ministre de l’Environnement n’a pas souhaité suivre sur ce cas précis l’avis de son administration, considérant qu’il s’agissait là d’un projet à la fois climatique et de production d’énergie renouvelable très intéressant, remarquable et que les compensations en biodiversité étaient aussi intéressantes. On ne va pas refaire le film. La décision, elle est là, elle met à mal un projet qui a été porté de manière proactive par des communes. Je trouve que c’est un signal assez désastreux que l’on envoie aux communes qui prennent le courage – il faut le souligner – d’ouvrir le développement éolien sous balise. (Mme Cremasco, Présidente, reprend place au fauteuil présidentiel) ORGANISATION DES TRAVAUX (Suite)

Date de la question parlementaire
Ministre
Willy Borsus

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