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Député wallon et de la Fédération Wallonie-Bruxelles

L'absence de dépôt du Plan national énergie-climat (PNEC) belge et la saisine du Comité de concertation (CODECO)

Monsieur le Ministre, j’aimerais rappeler que la Région wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale ont toutes deux adopté leur plan Air-Climat, ceux-ci étant alignés à l’objectif assigné à la Belgique, à savoir -47 % d’ici 2030, hors ETS. La Flandre refuse cet objectif de -47 % et entend limiter son effort de réduction à -40 %, ce qui est inacceptable. Il est de plus en plus clair, aux yeux des observateurs, que ce blocage vient de la Flandre. Jean- Pascal van Ypersele et la coalition Climat ont bien pointé du doigt le responsable du blocage de ce non- dépôt du PNEC aujourd’hui. En passant, je me permets de dire que ceux qui ont gouverné avec la N-VA doivent aussi faire leur examen de conscience. La demande de Zuhal Demir de déposer un PNEC qui ne correspondrait pas aux prescrits européens eût été une double erreur. Tout d’abord, une faute climatique parce qu’il est illusoire de penser qu’une réduction de 40 % est suffisante. L’ensemble des États membres sont à 47 %, voire à 50 %, de réduction d’ici 2030. Ensuite, c’eût été une bourde légale complète. Quelle entité, que ce soit une Région ou l’État fédéral, devrait compenser le non-effort de la Flandre ? Si nous avions accepté que la Flandre se limite à 40 %, c’est nous qui aurions dû 41 PW – Session 2023-2024 – CRIC n° 40 – Énergie – Lundi 13 novembre 2023 compenser, en tenant compte du fait que la Flandre représente une part plus importante des émissions de gaz à effet de serre de ce pays. L’axe Demir-Khattabi que notre collègue essaie d’établir me semble très osé. Je n’ai jamais entendu parler d’une entente de ce côté. J’entendrai toutefois le ministre avec intérêt à cet égard. L’effort de réduction n’est pas le seul élément de désaccord entre les Régions, et il faut pouvoir le dire. Il y a également, comme le rapporte la presse, la répartition des fonds issus du futur ETS qui portera sur la mobilité et les transports. Le système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne rapportera en effet des dividendes très importants. Face au blocage flamand, le ministre bruxellois du Climat, M. Maron, a donc décidé de saisir le CODECO pour le 22 novembre 2023 dans l’espoir de trouver un terrain d’entente, à la fois sur l’effort et sur la répartition des dividendes. Dès lors, Monsieur le Ministre, quelles sont les options sur la table des négociateurs ? Sur quoi portera exactement le CODECO du 22 novembre ? Quelle sera la position de la Région wallonne ? Qui la représentera lors du CODECO ? Comment préparez-vous cette échéance, à la fois avec vos collègues de Gouvernement et avec vos homologues de la Région de Bruxelles- Capitale ainsi que du Fédéral ? Au niveau de la Belgique, à combien s’élèvent les recettes estimées qu’il convient de répartir entre entités fédérées, à savoir ETS Bâtiments-Mobilité, ETS Maritime, Fonds social du climat et dividendes du CBAM ? Bref, tout ce qui devra être ensuite réparti entre entités fédérées. Quelle position défendez-vous sur ces répartitions ? Quelle entité devrait être compétente pour répartir ces recettes ? Enfin, la question à 1 milliard d’euros : qui devra supporter la facture si la Belgique n’atteint pas ses objectifs de réduction ? La Flandre sera-t-elle amenée à payer pour son manque d’efforts d’atténuation ? Comme mon collègue l’a très bien dit, l’Union européenne ne reconnaît pas les Régions dans ce cadre, mais bien les États membres et donc l’État fédéral. Il n’y a pas, comme pour la PAC, deux plans stratégiques différents. Ici, c’est un seul plan. L’Union européenne viendra donc frapper à la porte de l’État fédéral belge. Comment répartit-on ensuite le manque d’efforts de certains si l’on accepte le PNEC flamand à -40 % ?

Réponse

M. Henry , Ministre du Climat, de l’Énergie, de la Mobilité et des Infrastructures. – Messieurs les Députés, il y a plusieurs mois que les discussions sont menées entre les entités fédérées, sous la présidence du ministre du Climat de la Région de Bruxelles-Capitale, Alain Maron, pour finaliser le PNEC. J’ai déjà eu l’occasion de vous signaler les difficultés qui découlent de l’adoption par la Flandre d’un objectif de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre de seulement 40 % alors que l’Europe a fixé pour la Belgique un objectif de réduction de 47 %. En cas de non-respect des objectifs assignés à la Belgique en termes de réduction des émissions – il y a plusieurs objectifs –, la Belgique pourra, dans une certaine mesure, faire usage de flexibilité, c’est-à-dire acheter au prix fort des quotas d’émissions auprès d’autres États membres. Si ce n’est pas suffisant, la Belgique devra présenter un plan de mesures correctrices, conformément à l’article 8 du règlement 2018/842. En l’état des discussions et des objectifs de chacun, le coût du recours à la flexibilité est estimé à plus de 1 milliard d’euros. J’insiste sur le fait que le recours à la flexibilité est cher et, surtout, que les sommes consacrées aux achats de droit d’émissions sont des one-shots . En d’autres termes, il vaut mieux valoriser cet argent dans la réalisation de projets pérennes. Ainsi, vous en conviendrez tous, il serait particulièrement déraisonnable que la Wallonie et la Région bruxelloise acceptent l’envoi d’un PNEC à l’Europe qui ne permette pas d’atteindre les objectifs fixés par l’Union européenne et qui génère une facture très importante pour laquelle la Flandre refuse de prendre ses responsabilités. Je tiens à rappeler certains éléments par rapport aux objectifs européens. La loi européenne sur le climat fait de la réalisation de l’objectif climatique de l’Union européenne, consistant à réduire les émissions de l’Union européenne d’au moins 55 % d’ici à 2030, une obligation légale. Le paquet Fit for 55 vise l’élaboration d’un nouvel ensemble législatif destiné à outiller les États membres pour atteindre collectivement cet objectif et rendre l’Union européenne neutre pour le climat d’ici 2050. Les différents dispositifs repris dans le package – ETS 1, ETS 2 ou ETS BRT, le CBAM et le Fonds social du climat – sont associés à des recettes pour la Belgique d’un montant compris entre 11 et 15 milliards d’euros. Le montant final sera impacté par le prix du quota de CO 2 et par une éventuelle allocation d’une partie de ces moyens au budget européen. La répartition de ces moyens devra faire l’objet d’une discussion entre les membres de la Commission nationale Climat en fonction de l’autorité identifiée comme compétente pour leur utilisation, ce qui fait partie du débat. PW – Session 2023-2024 – CRIC n° 40 – Énergie – Lundi 13 novembre 2023 42 Les objectifs fixés par l’Union à l’ensemble des États membres doivent nous permettre de limiter le dérèglement climatique et ses effets délétères sur les populations ainsi que sur notre environnement. Les chiffres peuvent sembler abstraits, mais l’enjeu derrière eux n’est rien de moins que la préservation d’une planète viable. En tous les cas, la contribution européenne a cet objectif absolument fondamental. À ce stade, la Belgique n’a pas communiqué son projet de PNEC à l’Europe. La Commission européenne a été prévenue du retard de la Belgique et a demandé que celle-ci limite son retard au maximum. En effet, en l’absence du PNEC communiqué à la fin du mois d’octobre, la Commission est dans l’impossibilité d’évaluer la version provisoire de la mise à jour du PNEC et de formuler ses recommandations pour la version finale. Elle sera également dans l’impossibilité d’évaluer si les États membres sont sur une bonne trajectoire concernant leurs objectifs et les objectifs européens. La non-remise du PNEC n’a pas encore de conséquences formelles, mais la Commission européenne pourrait décider d’enclencher une procédure d’infraction à l’égard de la Belgique. Il y a différentes étapes pour la procédure d’infraction : une mise en demeure préalable et ensuite la communication d’un avis motivé. Si la Belgique ne s’est toujours pas conformée à ses obligations, la Commission peut alors saisir la Cour de justice de l’Union européenne en vue d’une condamnation de la Belgique. Dans le cas où notre État serait condamné, c’est l’État fédéral qui devrait assumer la sanction. Toutefois, l’article 16, paragraphe 4, dernier alinéa, de la loi spéciale de réformes institutionnelles prévoit que l’État peut récupérer auprès de la Communauté ou de la Région concernée les frais de non-respect par celle-ci d’une obligation internationale ou supranationale. Cette récupération peut prendre la forme d’une retenue sur les moyens financiers à transférer, en vertu de la loi, à la Communauté ou à la Région concernée. Il faudra prouver que l’obligation s’applique bien à la Région concernée. À noter que l’accord de burden sharing pour la période 2013-2020 prévoyait la question, notamment pour les objectifs de réduction, à l’article 29 : « Lorsque la Belgique fait l’objet d’une condamnation, en vertu de l’article 260 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la Commission nationale Climat fixe la part de la somme forfaitaire ou de l’astreinte qui est due par chaque partie contractante proportionnellement aux engagements qu’elle n’a éventuellement pas atteints. Le Comité de concertation valide la décision prise ». Le président de la Commission nationale Climat a décidé de soumettre le dossier au CODECO du 22 novembre. Le CODECO devra se prononcer sur l’envoi, même tardif, du PNEC à l’Europe et les responsabilités respectives des entités en ce qui concerne leurs objectifs. Pour la Wallonie, il est fondamental que chaque entité respecte le niveau d’ambition fixé par l’Europe et assume ses responsabilités en cas de non-atteinte de l’objectif. Je serai présent au CODECO avec le ministre-président pour défendre cette position, et nous verrons bien ce qu’il en résulte le 22 novembre.

Réplique

La réponse de M. le Ministre est lourde de sens, à la fois en termes de responsabilité politique et de négociation, qui va s’ouvrir au CODECO, et à la fois juridiquement puisque l’article de la loi spéciale permettrait, in fine, d’envoyer la facture vers l’entité fédérée qui n’aurait pas rempli ses obligations dans le cadre d’une infraction. C’est un message que tout le monde peut entendre. Forts de cela, nous devons mettre la pression maximale pour que la Flandre entende raison. J’ajoute un élément important. Nous avons eu le Dialogue interparlementaire pour le climat la semaine passée et nous y avons entendu que les prochaines étapes en termes de réduction de gaz à effet de serre ne seraient pas -55 % pour 2040, mais de l’ordre de 90 % à 95 %. Je veux donc dire ici solennellement que ceux qui se refusent de viser -47 % en 2030 se fourvoient complètement sur ce qu’il est imaginable de réaliser, notamment à l’avenir, en 2040, où nous devrons enclencher des efforts encore plus importants que ce que nous avons à réaliser d’ici 2030.

Date de la question parlementaire
Ministre
Philippe Henry

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