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Député wallon et de la Fédération Wallonie-Bruxelles

La pénurie de médecins en milieu rural

Madame la Ministre, je vous partage un témoignage qui n’est ni neuf ni isolé dans la région rurale qui est la mienne : « Je ne pensais jamais avoir autant de mal à trouver des soins de santé en m’installant à la campagne. » Alors, à court de solutions et face au départ de son médecin, cette mère de famille se tourne vers la presse pour partager son désarroi. « Quand nous sommes arrivés ici, cela a été le choc. J’ai appelé sept ou huit médecins, mais à chaque fois, ils me disaient qu’ils ne prenaient plus de nouveau patient ». Dépitée, cette dame a fait le choix de retourner auprès de son médecin généraliste dans sa ville d’origine, Verviers, soit un petit détour de 250 kilomètres pour contourner cette pénurie médicale en province de Luxembourg. Il suffit de se rendre dans n’importe quelle commune rurale pour découvrir ce genre de casse-têtes médicaux : les patients qui retardent, qui renoncent parfois à certains soins, des familles contraintes de faire de nombreux kilomètres pour se soigner ; puis des médecins qui enchaînent des rendez-vous et sont sur les rotules tout simplement parce que c’est un problème qui s’autoalimente. On peine aussi à recruter des médecins parce qu’ils ont peur d’avoir, dès l’entame de leur carrière, un trop grand nombre de patients. Je n’ai pas non plus inséré dans ma question les très nombreuses initiatives des acteurs locaux qui sont présents sur cette question : les communes, la province, Santé Ardenne et d’autres comme, encore cette semaine, 150 étudiants qui sont formés à la médecine générale à Houffalize de manière à sensibiliser les futurs médecins à venir s’établir en province de Luxembourg ou ailleurs. J’élargis mon propos sur l’ensemble des régions rurales de la Wallonie. Quelles ont été les conclusions des échanges récents que vous aviez entrepris auprès de l’autorité fédérale pour trouver des réponses à court, moyen et long termes sur la pénurie de plus en plus aiguë dans les régions rurales ? Une forme de planification territoriale – elle avait déjà été abordée dans cette commission – est-elle à l’étude ? Quelles réflexions initiez-vous au départ de la Région vers le Fédéral ? Quel bilan tirez-vous des mesures wallonnes d’ores et déjà en application, telles que la pratique groupée de médecins à travers les ASI ? Observez-vous des avancées concernant les données au niveau du logiciel CoBRHA, c’est-à-dire la source commune et consolidée des différentes institutions publiques responsables de la reconnaissance des acteurs de soins de santé en Belgique depuis le dernier échange que nous avions eu à ce sujet ?

Réponse

Mme Morreale , Ministre de l’Emploi, de la Formation, de la Santé, de l’Action sociale et de l’Économie sociale, de l’Égalité des chances et des Droits des femmes. – Monsieur le Député, pour aider à l’installation des jeunes médecins dans les zones en pénurie, des primes sont octroyées dans le cadre d’Impulseo I, II et III. Le budget total des primes et les subsides relatifs à 2023 sont de près de 11,5 millions d’euros. Au vu des besoins rencontrés sur le terrain et de l’évaluation positive, la Wallonie souhaite le poursuivre. Je vous le dis, parce que je pense que la Wallonie est la seule à le faire ou à le poursuivre. Ces propositions sont actuellement soumises à un groupe de travail « Médecine générale ». Ce groupe de travail a été mis en place dans le cadre de Proxisanté. Les médecins qui ont participé à ce processus participatif avaient souhaité s’impliquer, considérant qu’ils étaient sans doute ceux qui pouvaient le mieux m’aider pour améliorer le dispositif, le modifier, l’évaluer. Ce groupe de travail s’est réuni plusieurs fois. L’objectif est d’actualiser les missions des cercles de médecine générale, d’élaborer une réflexion sur ce dispositif. Il est mené en étroite collaboration avec les fédérations, les associations des représentants des médecins généralistes. Au sein de ce groupe de travail, une réflexion est également menée afin d’affiner les critères de reconnaissance de pénurie. Parmi les pistes explorées, se trouvent notamment la prise en compte du vieillissement de la population via la proportion de la population qui bénéficie d’un statut BIM ou d’un statut maladies chroniques. Il est notoire que les personnes âgées et les personnes atteintes d’une maladie chronique consultent plus souvent un médecin généraliste. Au sujet de la province du Luxembourg, au 1ᵉʳ janvier 2023, 39 des 44 communes de la province étaient en pénurie de généralistes, 26 étaient en pénurie sévère. Parmi ces 44 communes, 18 ont une densité médicale supérieure à 90 médecins pour 100 000 habitants, mais sont reconnues en pénurie, parce que la densité de la population y est faible. Il y a aussi ce biais. Les communes d’Arlon, de Marche, de Bastogne, de Durbuy se caractérisent par le plus grand nombre de médecins. À l’exception de Marche, ces communes sont toutes en pénurie. Les communes de Bertogne, Houffalize, Rouvroy, Musson, Chiny, Daverdisse et Martelange sont quant à elles dans la situation inverse. Elles se caractérisent par le plus petit nombre de médecins. Il y a pour l’ensemble de la province 261 généralistes qui sont actifs, soit 0,89 médecin pour 1 000 habitants. Si l’on prend un médecin en entier, si l’on ne le divise pas, cela fait un médecin généraliste pour 1 115 habitants. Pour avoir une densité minimale de 90 médecins par 100 000 habitants, il faudrait 24 médecins en plus sur toute la province. Compte tenu du nombre important de communes avec une faible densité de population, plusieurs communes sont reconnues en pénurie sur base de critères combinés de densité médicale et de densité de population. Pour qu’il n’y ait plus de communes reconnues en pénurie sur la base de ces deux critères, il n’en faudrait pas 24, mais 178 sur toute la province. Depuis 2016, année du premier cadastre, le nombre de communes en pénurie en province de Luxembourg est grosso modo resté le même, aux alentours de 38 ou 39. En outre, dans la province du Luxembourg, au 31 décembre 2022, on dénombrait neuf associations de santé intégrée – les ASI, les maisons médicales – où exercent 39 généralistes et où se forment 14 médecins candidats généralistes. C’est porteur d’espoir. Depuis mon entrée en fonction, j’ai agréé cinq associations de santé intégrée en zone rurale à Onhaye, La Roche-en-Ardenne, Beauraing, Aye et à Marche-en- Famenne sur la période de 2020 à 2023. L’AViQ prépare aussi une publication générale qui reprend l’évolution de la situation en pénurie depuis 2016 et qui vous sera utile. Mme Laffut m’interroge aussi souvent sur cette question. Il sera loisible à chacun de s’y plonger pour s’informer sur des situations locales. Dernier élément important, l’AViQ a présenté le cadastre de l’offre de la médecine générale et la méthodologie mise en place à la Commission de planification de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour essayer de faire converger les constats et la planification en réponse aux constats des différentes parties prenantes

Réplique

Je vous remercie pour cette réponse qui brosse les initiatives prises de manière complète. Vous poursuivez Impulseo. Il est évident que c’est très bien que ce fonds, qui est présent et qui existe, soit poursuivi. Vous rappelez également la création des associations de santé intégrée. L’une des conditions essentielles pour trouver une solution à cette pénurie de médecins est d’impliquer les médecins sur place. En revanche, je ne vous ai pas entendue concernant l’idée d’une planification territoriale – qui, d’après vous, était en réflexion avec le Fédéral –, de manière à inviter, de manière réglementaire, de jeunes médecins en région rurale. Il faut explorer des solutions créatives, comme aider de futurs étudiants en rhéto à se diriger vers les études de médecine parce que cela donne, notamment en France, d’assez bons résultats. Les étudiants reviennent chez eux, de manière assez logique. Il est plus difficile d’attirer de jeunes médecins qui ne 13 PW – Session 2023-2024 – CRIC n° 47 – Emploi – Vendredi 17 novembre 2023 seraient pas issus des provinces touchées. C’est peut- être aussi l’un des outils à activer. Nous resterons, avec mes collègues, attentifs à cette question.

Date de la question parlementaire
Ministre
Christie Morreale

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