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Député wallon et de la Fédération Wallonie-Bruxelles

Les fraudes dans le cadre de l'octroi de primes liées à la Politique agricole commune (PAC)

Monsieur le Ministre, Le Vif relayait la semaine passée des mécanismes de fraude dans les primes PAC qui auraient cours en Wallonie. Des agriculteurs peu scrupuleux déclareraient des parcelles dont ils n’ont pas réellement la charge. S’il est tout à fait possible de déclarer une parcelle dont on n’est pas propriétaire, il faut en toute hypothèse être un agriculteur qui occupe la parcelle, via par exemple un bail à ferme. Selon le magazine, cette fraude aurait lieu depuis des années. Dans l’exemple épinglé qui concerne une commune rurale de la province de Luxembourg, un agriculteur aurait procédé à cette fraude pour pas moins de 30 terrains. L’article nous apprend que la Région wallonne ne vérifie pas toujours qu’il existe une quelconque base juridique pour intégrer un terrain dans le droit au paiement de base – DPB – d’un agriculteur comme un contrat de vente, de location, acte de succession, bail à ferme, et cetera. En 2023, 3 264 parcelles auraient ainsi fait l’objet d’une vérification de la part du SPW, ce qui représente grosso modo 1,1 % des parcelles déclarées. Quelles mesures de contrôle et de suivi avez-vous entreprises pour diagnostiquer l’ampleur de ce phénomène ? Avez-vous une estimation des montants indûment perçus par le truchement de cet accaparement de parcelles ? Avez-vous demandé une analyse des fonds publics indûment perçus ? Quel suivi donnez-vous à cette fraude ? L’obligation d’enregistrement des baux à ferme ne permet-elle pas d’outiller le SPW pour vérifier automatiquement un certain nombre de déclarations, sans bien sûr ajouter une couche administrative supplémentaire pour les agriculteurs, ce que personne ne souhaite ?

Réponse

M. Borsus , Ministre de l’Économie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l’Innovation, du Numérique, de l’Aménagement du territoire, de l’Agriculture, de l’IFAPME et des Centres de compétences. – Messieurs les Députés, mon attention a effectivement été attirée également par cet article paru dans le magazine Le Vif , même si celui-ci se base sur un seul témoignage lié à un contrôle sur place initié par le SPW, par les services de l’administration. En 2022, 31 665 parcelles ont été contrôlées sur le terrain, ce qui concerne 1 097 producteurs. Il convient vraisemblablement – je suis prudent – de relativiser la portée de ce témoignage au regard, par ailleurs, du nombre important de contrôles réalisés. En ce qui concerne la mise à disposition des parcelles, un contrôle spécifique est mené administrativement. Comme signalé dans l’article, en 2023, 3 264 parcelles ont ainsi fait l’objet d’une vérification de la part du Service public de Wallonie sur les 292 952 parcelles déclarées. Pour répondre spécifiquement à votre question, Monsieur Fontaine, le SPW a mis en place différentes mesures visant à limiter ce risque qui semble être marginal. Quelles sont ces mesures ? Premièrement, la demande de documents probants lors de la déclaration d’une parcelle non déclarée l’année précédente. Normal : la parcelle n’était pas déclarée. Elle l’est désormais. Quels sont alors les documents probants que vous pouvez présenter ? Deuxièmement, la demande de documents probants lors de double déclaration d’une même parcelle par deux producteurs. C’est évident : s’il y a une plainte d’une façon ou d’une autre, ou une réclamation, une expression d’un propriétaire. Un protocole avec le SPW Finances est en voie de finalisation afin de pouvoir accéder à l’identité des propriétaires pour les parcelles suspectes ou susceptibles d’être suspectes. 33 PW – Session 2023-2024 – CRIC n° 69 – Économie – Mardi 12 décembre 2023 Pour répondre à votre question plus particulièrement, Monsieur Florent, l’administration n’a pas d’estimation des montants indûment perçus. Même si ce phénomène reste faible, il est difficile de quantifier par définition ce que l’on ne connaît pas. C’est un peu comme quand on quantifie quelque chose qui est illégal, illicite ou non connu : il est toujours difficile de le quantifier, quelle que soit la présomption que l’on peut avoir. D’autre part, en cas de suspicion, les parcelles sont mises à zéro, c’est-à-dire qu’elles ne font pas l’objet d’un paiement qu’elles déclenchent, dans l’attente des documents probants. Si ceux-ci ne peuvent pas être fournis, les parcelles restent alors ramenées à zéro et les aides sont récupérées sur les quatre années précédentes. L’obligation d’enregistrement concerne l’administration fédérale et le SPW n’a pas accès aux données d’enregistrement du Fédéral. Par ailleurs, la plupart des baux à ferme en cours sont encore oraux et n’ont pas – ou pas encore – fait l’objet d’un enregistrement. Les notifications reçues par l’Observatoire du foncier agricole permettent uniquement de déterminer les propriétaires et les locataires en bail à ferme de biens immobiliers agricoles. Le caractère récent de l’obligation de notification, combiné à un taux annuel de mutation en propriété et en bail à ferme relativement faible, puisqu’il est d’environ 1 %, ne permet pas d’envisager une photographie complète du foncier agricole, en tout cas à court terme. Par ailleurs, l’exploitation en propriété et en bail à ferme ne constituent pas les seuls titres permettant l’utilisation d’un bien immobilier agricole, puisqu’il y a notamment le commodat, des ventes d’herbes annuelles, et cetera, qui existent également en parfaite légalité. De plus, l’Observatoire a pour unique mission de suivre l’évolution des marchés fonciers de manière à orienter utilement à la fois la politique foncière wallonne et les analyses de toutes celles et tous ceux qui se préoccupent de l’évolution du foncier agricole. L’observatoire n’a pas pour vocation de constituer un outil de contrôle dédié à la politique agricole commune. C’est un autre département qui est en charge de cet élément, même si les enseignements de l’Observatoire du foncier agricole peuvent être utiles, d’autant que, comme vous le savez, on a étendu – et je remercie d’ailleurs le département concerné et les équipes de M. Thirion – les missions de l’Observatoire. Enfin, l’article fait référence au fait que c’est vraiment un acte ou des actes frauduleux qui ont été identifiés et qui n’ont pas été déclarés par l’agriculteur conformément à la réalité. Je rappelle à cet égard que ce comportement est infractionnel par ailleurs de règles de droit : de façon générale, lorsqu’on déclare des choses fausses, que l’on en fait usage, cela s’appelle en droit un faux et un usage de faux, me semble-t-il. J’attire l’attention de toutes celles et tous ceux qui pourraient nous écouter ce matin quant aux conséquences lourdes, non seulement en termes de pénalités, mais sous la réserve et à la diligence des autorités judiciaires quant à des comportements qui seraient frauduleux et qui conduiraient à obtenir – ou à tenter d’obtenir – indûment des aides publiques, quelle qu’en soit la nature. Il y a encore une dernière directive européenne, INSPIRE, qui oblige les États membres à mettre en place une infrastructure d’information géographique qui va permettre d’avancer en ce qui concerne le portage, le partage et la diffusion des données géographiques.

Réplique

Il ne s’agit évidemment pas de jeter l’opprobre sur l’ensemble du secteur, bien au contraire. Il s’agit ici d’assurer la protection des agriculteurs qui sont soucieux de respecter les règles de ces cas frauduleux, exceptionnels, mais frauduleux. Deux ou trois éléments me laissent réfléchir sur cette question. Vous nous dites, Monsieur le Ministre, qu’il n’y a pas encore de photo complète du foncier agricole, étant donné, par exemple, le nombre de baux oraux qui ont encore cours. C’est exact, mais vous nous dites également que le nombre de contrôles importants, 3 264, est à mettre en relation avec le très grand nombre de parcelles, 292 000. On a un contrôle qui est encore très limité. Finalement, il y a plus de questions et de doutes que de réponses à ce stade. Enfin, je n’ai pas bien saisi si les cas de doubles demandes sur une même parcelle sont systématiquement contrôlés, mais je relirai votre réponse à ce sujet. PW – Session 2023-2024 – CRIC n° 69 – Économie – Mardi 12 décembre 2023 34

Date de la question parlementaire
Ministre
Willy Borsus

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