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Député wallon et de la Fédération Wallonie-Bruxelles

Le soutien aux initiatives de transition régénérative

Monsieur le Ministre, l’Odoo de l’environnement. C’est ainsi qu’est présentée la start - up Soil Capital dans L’Écho du 16 décembre. Cette entreprise propose un programme de transition régénérative qui offre un incitant aux agriculteurs. Ils seraient désormais un millier en France, en Belgique et au Royaume-Uni à passer par cet intermédiaire en certificats carbone, pour améliorer la manière dont leurs terres stockent le CO 2 . Le principe est simple : les agriculteurs traditionnels désireux de s’inscrire dans une transition écologique font appel à Soil Capital. L’entreprise les accompagne dans l’adoption de pratiques agroécologiques. Ils collectent des données, et ils rémunèrent ensuite les agriculteurs en fonction de leur degré d’amélioration carbone. Cette rémunération émane de grands groupes comme AB InBev, IBA ou L’Oréal qui achètent des certificats carbone à Soil Capital. Il s’agit de contributions volontaires carbone et aussi d’un levier pour rémunérer leurs propres fournisseurs qui réduisent leurs émissions. Les agriculteurs, pour leur part, sont rémunérés en moyenne de 10 000 euros – je suis étonné de mon propre chiffre sur ma question, il faudrait que je vérifie – par an, pour un investissement de 980 euros. Soil Capital prend une commission de 30 % sur la rémunération versée, et au total, plus de 4 millions d’euros auraient été octroyés aux agriculteurs en 2023. L’agronome cofondateur de la start-up explique que le cœur de sa démarche est de mesurer le carbone, mais aussi de démontrer que la pratique de ce type d’agriculture est au moins aussi rentable qu’en conventionnel. Lui et ses collaborateurs sont des alliés de la transition qui nous attend, il faut le souligner. Suivez-vous le développement des activités de cette entreprise belge ? La compensation carbone dans l’agriculture est une pratique qui émerge, mais elle n’est pas sans soulever un certain nombre de questionnements de la part de spécialistes, à savoir : le stockage carbone est-il réel, et surtout est-il pérenne ? Quelles sont, derrière, les garanties de la compensation carbone en termes de méthodologie ? Quelles balises mettez-vous en place ? Le Gouvernement travaille-t-il un cadre réglementaire pour ce type d’activité ? Avez-vous une vue sur cette pratique en Wallonie ? Quels sont, par exemple, les montants qui seraient en jeu ? Suivez-vous le développement de cette pratique en Wallonie ?

Réponse

M. Borsus , Ministre de l’Économie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l’Innovation, du Numérique, de l’Aménagement du territoire, de l’Agriculture, de l’IFAPME et des Centres de compétences. – Mes meilleurs vœux également à vous, Monsieur Florent, qui nous rejoignez. Messieurs les Députés, la start-up Soil Capital – dont j’ai rencontré les représentants en mars 2022 – est en contact, dans la foulée de nos entretiens, avec mon cabinet ainsi qu’avec les différents services de l’administration wallonne, notamment la DG ARNE, l’AWAC et le CRA-W. Ses représentants ont également été reçus par mes services au sujet de leur projet Data Planet. Soil Capital propose un programme de certification garantissant les résultats positifs des pratiques régénératrices à long terme. Grâce à une évaluation annuelle, elle établit le bilan carbone des exploitations agricoles en tant qu’indicateur principal de la santé des sols et de l’adoption de pratiques régénératrices. Sur la base des résultats de ce bilan, elle apporte un soutien aux agriculteurs pour améliorer leurs pratiques agronomiques en vue de diminuer les émissions de carbone ou d’améliorer sa séquestration dans les sols. Ces améliorations sont certifiées, ce qui permet aux agriculteurs de percevoir une rémunération pour leurs résultats positifs et, par ailleurs, aux entreprises de compenser leurs émissions par l’achat de ces certificats. Le programme de Soil Capital accompagne et sensibilise les agriculteurs à des pratiques plus vertueuses et à se rendre compte de l’importance de ce capital sol. Cependant, au regard de l’aspect rémunération, il reste un certain nombre de points d’attention qui ont été soulevés par différents interlocuteurs ou services dont il m’a été donné connaissance au sujet du modèle de calcul du carbone utilisé par Soil Capital. L’outil d’aide à la décision DECiDE, développé par le CRA-W, permet d’effectuer des bilans de gaz à effet de serre, d’énergie et d’ammoniac à l’échelle de l’exploitation par une approche d’analyse de cycle de vie permettant d’identifier les postes et, par conséquent, les leviers de réduction potentiels des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi des diminutions de consommation d’énergie. Par rapport aux autres outils d’aide à la décision, la nouvelle version de l’outil DECiDE – version 5.0, m’indique-t-on –, qui est disponible depuis le début de cette semaine, a l’avantage d’intégrer d’autres indicateurs, au-delà du bilan carbone, ce qui permet de ne pas limiter la transmission des informations au seul carbone et, par ailleurs, de ne pas limiter la transition de nos modes de production agricoles aux seuls défis climatiques. Il permet de prendre également en compte d’autres facettes de la durabilité ou de la préoccupation environnementale : le bilan azoté, l’autonomie, les infrastructures agroécologiques, l’émission d’ammoniac, l’utilisation globale de l’énergie et sa réduction ainsi que la dimension économique. Pour le moment, il n’y a pas de collaboration impliquant Soil Capital dans le développement de l’outil DECiDE. Concernant les avancées de l’agriculture régénérative en Wallonie, une série d’initiatives vont en ce sens. Premièrement, différentes mesures prévues dans le Plan stratégique de la PAC 2023-2027, à savoir le nouvel ECO-régime « maillage écologique », qui encourage le maintien et le développement de zones favorables à la biodiversité, en ce compris les éléments tels que les haies et les arbres, ainsi que les MAEC, dont la nouvelle MAEC « sol », qui vise à maintenir ou augmenter le carbone en culture et en prairie par une aide en cas d’augmentation de ce dernier constatée sur une période de cinq ans et qui favorise dès lors des pratiques de réduction du travail, du sol, de l’épandage des matières organiques et du recours aux couverts d’intercultures. Deuxièmement, l’ensemble constitué par les mesures et actions soutenant la transition agroécologique du Plan de relance, dont une étude qui vise à fournir un référentiel agroécologique favorisant l’accompagnement des fermes dans la transition. D’autre part, l’ASBL Greenotec qui est subventionnée pour mener des expérimentations afin d’optimiser des itinéraires techniques de conservation des sols et qui est destinée aussi à conseiller les agriculteurs pour la mise en place de pratiques culturales en travail du sol simplifié. En outre, sous la responsabilité de mon collègue en charge du climat, Philippe Henry, un suivi régional des stocks de carbone dans les sols a été initié en Wallonie de manière à affiner l’estimation et à faciliter la comptabilisation des efforts faits en termes de séquestration. Par ailleurs, un cadre européen est en cours d’élaboration. Ce règlement européen appelé Carbon Removal Certification a été présenté le 30 novembre 2022 par la Commission. Il propose notamment des règles au niveau de l’Union européenne sur la certification des absorptions de carbone. Il va élaborer les règles nécessaires au suivi, à la notification et à la vérification de la fiabilité de ces absorptions. L’objectif est d’accroître les absorptions durables du carbone – vous avez évoqué la pérennité de l’absorption PW – Session 2023-2024 – CRIC n° 78 – Économie – Mardi 9 janvier 2024 38 – et d’encourager l’utilisation de solutions innovantes pour le captage, le recyclage, le stockage du CO 2 par les agriculteurs, mais aussi les sylviculteurs et d’autres intervenants. Il s’agit là d’une étape nécessaire qui est importante vers l’intégration des absorptions de carbone dans les politiques climatiques de l’Union européenne. À cette fin, un groupe d’experts – l’ Expert Group on carbon removals – assiste la Commission européenne sur la certification carbone. Une prochaine réunion de ce groupe d’experts est prévue très prochainement, en avril 2024. En conclusion, je suis vraiment très attentif au travail mené par Soil Capital, aux différents échanges avec les services de la Région wallonne, aux autres initiatives et au cadre réglementaire, singulièrement européen que je viens d’évoquer. Merci en tout cas pour votre intérêt.

Réplique

Merci pour cette réponse assez complète. Je pense que vous êtes vous-même conscient, dans votre réponse, du nombre d’acteurs sur cette question : Soil Capital, vous avez également évoqué l’outil DECiDE du CRA-W qui intègre aussi une analyse carbone avec d’autres indicateurs, le référentiel en agro- écologie, Greenotec qui est effectivement une ASBL subsidiée par la Région wallonne, qui accompagne les agriculteurs dans la qualité des sols et autour de tout cela, je pense qu’il manque peut-être une coupole publique qui établit des balises, mais elle est, si je vous écoute bien, en préparation au niveau européen puisqu’un cadre est en cours d’élaboration. Il faudra sans doute émettre des balises pour s’assurer de la pérennité de la séquestration du sol et avoir une méthodologie validée. En tout cas, ce sont des initiatives éminemment intéressantes parce qu’elles soulignent l’importance de la santé des sols. Vous l’avez dit également. On sait combien la résilience de notre agriculture passera par un taux d’humus, un taux carbone important qui pourra mieux faire face aux périodes de canicule qui pourront diminuer les intrants. Ce sont vraiment des initiatives qu’il est important de suivre de près.

Date de la question parlementaire
Ministre
Willy Borsus

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