Aller au contenu principal
Député wallon et de la Fédération Wallonie-Bruxelles

La pénurie d'infirmières en province de Luxembourg

Madame la Ministre, au 1ᵉʳ janvier 2023, 39 des 44 communes de la province de Luxembourg étaient en pénurie de médecins généralistes, dont 26 en pénurie sévère. Parmi ces 44 communes, 18 ont une densité médicale certes supérieure à 90 médecins pour 100 000 habitants, mais sont reconnues en pénurie, car la densité de population y est faible. En novembre dernier, lorsque je vous interrogeais sur la pénurie de médecins en province de Luxembourg, vous me répondiez qu’il faudrait 178 médecins sur l’entièreté de la province pour la contrer. Ces chiffres sont actualisés une fois par an, au 31 décembre de chaque année. Pouvez-vous dès lors me faire part des chiffres relevés au 31 décembre 2023 ? Dans vos récentes réponses, vous annonciez que l’AViQ avait entamé une réflexion quant à l’affinement des critères de reconnaissance de pénurie. Sous quelle échéance ces réflexions sont-elles conclues, si ce n’est déjà fait ? Pouvez-vous faire le point sur la mise à jour des critères de l’AViQ ? Comme d’autres l’ont dit, ma province est loin d’être la seule touchée par ce phénomène. La récente cartographie de Sciensano montre, malheureusement, à quel point la Wallonie, dans son ensemble, est touchée par la pénurie. En Wallonie, nous sommes de plus en plus nombreux à demander la fin du numerus clausus, afin de permettre au plus grand nombre de médecins de soigner la population. Nous avons 20 000 médecins qui vont partir à la retraite dans les 10 prochaines années. Il est temps de prendre des mesures nécessaires pour faire face à ces départs. Avez-vous pris connaissance de l’étude de Sciensano ? Des mesures complémentaires à celles déjà entreprises – je pense par exemple au fonds Impulseo – seront-elles prises ? Avez-vous entrepris de nouveaux échanges avec l’autorité fédérale, pour trouver des réponses de court, de moyen et de long termes sur la pénurie de plus en plus aiguë dans les régions rurales ? Quelles solutions proposez-vous à votre homologue fédéral : la fin du numerus clausus, l’augmentation des quotas, une forme de régulation territoriale ? On en a déjà parlé. Il semble qu’il y ait à présent un consensus aussi en Flandre pour faire le diagnostic d’une pénurie de médecins. C’est aussi un élément qui évolue. Les acteurs flamands réclament également davantage de quotas. Un consensus sur ce diagnostic peut-il aussi amener un consensus sur les solutions à trouver ? Comme ce matin, je vous interroge parfois sur la pénurie de médecins généralistes, mais une autre préoccupation relative aux soins de santé concerne la pénurie des infirmiers et des infirmières. Les soins de première ligne ne reposent pas uniquement sur les épaules des médecins généralistes. La presse nous confirme malheureusement que celles-ci sont également en pénurie en province de Luxembourg. La situation de Vivalia a été épinglée dans la presse pour son manque chronique d’infirmières qui menace le bon fonctionnement des soins. L’intercommunale de soins de santé ne ménage pourtant pas ses efforts, avec 169 engagements en 2022, puis 195 en 2023. Cependant, une infirmière tire la sonnette d’alarme, expliquant que le manque de personnel a des conséquences néfastes sur le bien-être des soignants, mais également sur la gestion des patients : des informations qui se perdent, l’épuisement physique et mental des infirmières. Dans son témoignage, elle accuse Vivalia de ne pas prendre les mesures adéquates à ce sous-effectif, telles que fermer des lits, ou encore faire appel à des jobistes, pourtant disponibles selon elle. Voici mes questions concernant cette pénurie. Avez- vous suivi cette situation spécifique de pénurie d’infirmières en province de Luxembourg ? Comment assurez-vous le bien-être du personnel soignant au sein des hôpitaux ? Ce genre de pénurie peut-elle aboutir à de nouvelles mises au rouge comme on a pu le voir dans certains services de l’intercommunale Vivalia ? Quelles mesures prenez-vous afin de pallier le manque d’infirmières à l’échelle wallonne ? Le problème doit notamment être pris à la source puisque l’on sait que le taux d’inscription aux études d’infirmières continue de diminuer. Au niveau belge, vous précisiez récemment que des groupes de travail intensifs se tiennent sous l’égide du ministre Frank Vandenbroucke afin de trouver des solutions à cette désaffection au niveau des inscriptions. Où en sont les travaux de ces groupes de travail ? Quelles en sont les conclusions préliminaires ?

Réponse

Mme Morreale , Ministre de l’Emploi, de la Formation, de la Santé, de l’Action sociale et de l’Économie sociale, de l’Égalité des chances et des Droits des femmes. – Mesdames et Messieurs les Députés, en préambule, dans le cadre de ma réponse, je voudrais que l’on puisse aussi ajouter tous les éléments que j’ai évoqués très longuement – comme vient de le dire Mme Roberty – à l’occasion de la présentation sur les échanges relatifs au Plan de prévention et de promotion de la santé. En effet, on y a abordé, au-delà de la prévention, de manière générale et beaucoup plus large, tous les aspects de prise en compte de la santé, toutes les mesures qui ont pu être prises, tout l’environnement dans lequel on s’inscrit, toutes les répartitions de compétences qui permettent d’agir en amont, qui est la source principale, mais aussi toutes les mesures complémentaires liées au numéro INAMI qui ont été en partie levées, mais où l’on a l’impression que, en tout cas, ce que les francophones criaient depuis des années et des années a en partie été entendu au niveau fédéral et a ouvert la porte. Il n’en demeure pas moins que l’accord qui est salutaire, est un accord qui arrive trop tard, au sens où il y aura des impacts. Vous le savez, je l’ai dit longuement. Je voudrais, pour ne pas devoir faire de réponse trop longue, que ma réponse soit mise en perspective avec celle que j’ai faite tout à l’heure dans le cadre de nos échanges sur la présentation et l’audition sur le WAPPS. Effectivement, depuis le début de législature, la question de l’accès à la médecine générale est un aspect qui a guidé beaucoup de mes actions sur la première ligne de l’aide et de soins. Il ne suffit pas de dire que l’on n’est pas compétent pour diplômer le nombre de médecins. Il faut à la fois plaider d’un côté, mais il faut que l’on prenne toutes les mesures possibles qui relèvent de nos compétences. Nos compétences arrivent en bout de course. Il n’en demeure pas moins que les solutions passeront par tout un panel de solutions que l’on a mises en place et que l’on développe ou que l’on concerte encore, en sachant que la concertation, comme la concertation syndicale d’ailleurs, prend du temps, mais elle est nécessaire pour que les décisions et les mesures que nous prenons soient plus robustes. Proxisanté a pris deux ans pour être concerté. On peut dire quatre ans au total puisque j’ai attendu que les médecins et la première ligne, globalement, soient disponibles pour pouvoir largement coconstruire une réponse qui soit organisée. Quand j’ai pris mes fonctions, il n’existait pas de registre des professionnels de l’aide et du soin. Il n’y avait pas d’organisation de la première ligne et il était important de mener tous ces travaux de front en ayant deux ans de crise sanitaire, qui a principalement mobilisé les professionnels de l’aide et du soin. La pénurie de généralistes est une menace multifactorielle. Je le dis et je viens de le dire, il faut attaquer simultanément sur plusieurs fronts pour endiguer le phénomène et permettre à chacun de bénéficier de soins de santé qui soient adaptés. Il ne suffit pas de dire que la Belgique est dans un top mondial en matière de prise en charge et de soins de santé. Il faut aussi prendre en compte cette réalité à laquelle nous sommes confrontés depuis des années, que nous alertons et que même avant que je ne sois ministre, 27 PW – Session 2023-2024 – CRIC n° 87 – Emploi – Mardi 23 janvier 2024 nous n’arrêtions pas de dire « Mais où va-t-on ? On va droit dans le mur avec les médecins généralistes qui sont âgés. » On voit bien d’ailleurs que, dans l’âge de la pension, avant les gens travaillaient, les médecins généralistes travaillaient jusque très âgés, mais on voit aussi qu’au niveau de leur date de naissance, ils prennent de plus en plus tôt leur retraite, vers un âge qui correspond maintenant à l’âge légal de la pension et qui est, on le comprend, bien légitime, mais qui aggrave encore la situation à laquelle on est confrontés. Je vais le détailler tout à l’heure. La pénurie touche un grand nombre de profils de professionnels de la santé. Vous avez parlé des infirmiers, mais je voudrais aussi dire que cela concerne les aides-soignants, les aides familiales et plein d’autres, les technologues, et cetera, dans le secteur de la santé. J’ai eu l’occasion d’en discuter avec mes collègues européens, que l’on soit au Danemark, en Allemagne, en Espagne, en France – en France, c’est encore bien pire que chez nous –, le phénomène est clairement un phénomène dans le secteur du soin, dans le secteur de la construction, dans le secteur de la restauration, nous avons des problèmes majeurs de pénurie et de personnes qui s’orientent vers ce secteur ou qui y restent. On doit travailler sur les deux volets. On cherche aussi toutes les solutions possibles pour pouvoir endiguer ce phénomène. Mes actions ont consisté à soutenir et à développer les dispositifs wallons en faveur de l’exercice de la pratique de médecine générale et à réorganiser l’ensemble des autres services de la première ligne de soins pour en renforcer son efficacité. J’ai répondu plusieurs fois sur l’augmentation substantielle des aides Impulseo sur cette législature. Je signale que, alors que les autres Régions ont arrêté les dispositifs Impulseo, la Wallonie a souhaité les maintenir et non seulement les a maintenus, mais on les a augmentées également pour essayer d’engranger des résultats qui, même s’ils arrivent en bout de course, vont permettre, et vous le verrez, l’installation dans certaines régions en pénurie. En 2022, 272 médecins wallons ont cessé leur activité de généraliste. Pour la majorité, c’était un départ à la pension. Les prochaines années – j’ai dit que cela arrivait tard –, il faut le savoir, vont être difficiles puisque le nombre de médecins diplômés restera inférieur aux besoins pour combler les pénuries. Parce que former un médecin ne se fait pas en une année ; il y a les stages, le cursus scolaire. Il manque 140 médecins dans les communes en pénurie et environ 270 seront nécessaires chaque année pour remplacer les départs. Ces prévisions ne tiennent pas compte des modifications apparues principalement ces 2-3 dernières années d’ailleurs, sur le temps de travail chez les jeunes médecins. En complément de ce que j’ai dit tout à l’heure, comme l’a montré l’enquête réalisée par le SPF Santé en 2022, les jeunes médecins, contrairement à leurs aînés qui ne comptaient pas leurs heures de travail, souhaitent travailler moins d’heures, estimant qu’une semaine de travail idéale est de 38 à 40 heures. Il faudrait donc sans doute 1,5 jeune médecin pour remplacer un ancien médecin. En réalité, il s’avère que c’est bien plus que cela quand on voit la manière dont les médecins réorganisent aussi leur travail ces deux dernières années. Il faut aussi compenser les départs par d’autres raisons, comme les réorientations professionnelles, qui ne sont pas rares, vers d’autres secteurs en lien avec la santé, la médecine du sport qui s’est beaucoup développée. La médecine nutritionnelle s’est aussi beaucoup développée en lien avec la prévention, cela peut être bien, mais cela veut dire que cela fait alors des généralistes en moins. On a besoin de médecins coordinateurs. Souvenez- vous, nous n’avions pas de médecins coordinateurs dans les maisons de repos au début de cette législature. Dans le cadre du plan Rebond, nous avons mis des médecins coordinateurs dans chaque maison de repos. Nous avons la médecine hospitalière qui se développe, la médecine scolaire, les centres de planning familial. Il faut aussi combler le manque de médecins généralistes dans 124 communes qui étaient en pénurie en 2022. L’âge moyen de départ à la retraite est de 71,6 ans en 2022 ; 73 ans en province de Liège et 69 ans dans le Brabant wallon. Il est de 69,4 ans en moyenne pour l’ensemble des années 2016 à 2022. Cet âge moyen varie selon les cohortes d’âges. On voit par exemple que les médecins qui sont nés avant 1950 ont pris leur pension en moyenne à 75 ans. Ceux qui sont nés entre 1950 et 1954 ont pris leur pension à 68 ans et ceux qui sont nés entre 1955 et 1959 à 66 ans. C’est un fait qui vient s’ajouter par rapport à la situation que nous avions il y a encore quatre ans. En ce qui concerne plus spécifiquement l’évolution du nombre de communes en pénurie, quel est le bilan ? On peut constater que le nombre a légèrement diminué. On a connu 151 communes par exemple, on en est à 124 en 2022. C’est une amélioration qui ne concerne pas les communes qui sont en pénurie sévère, où l’on voit qu’il y a une stabilité. On en a eu 53, on en a aujourd’hui 52. La situation de pénurie s’est-elle améliorée ? Elle s’est améliorée dans le Brabant wallon et dans le Hainaut. Elle s’est améliorée aussi, dans une moindre mesure, en province de Namur, mais ni dans ma province, en province de Liège, ni dans le Luxembourg. Entre 2016 et 2022, la proportion de communes en pénurie est passée de 59 % à 26 % dans le Brabant wallon, de 58 % à 36 % dans le Hainaut, de 63 % à 53 % en province de Namur. En province de Liège, cette proportion n’a pas évolué, elle est de 44 %, et dans le Luxembourg, elle a augmenté, de 86 % à 89 % en 2022. PW – Session 2023-2024 – CRIC n° 87 – Emploi – Mardi 23 janvier 2024 28 Un facteur déterminant n’a pas encore été évoqué, celui du nombre de nouveaux médecins agréés. Cela ne relève pas de mes compétences, puisque le quota maximum est fixé par le Fédéral et le sous-quota minimum en médecine générale est fixé par les Communautés. J’avais plaidé pour un pourcentage qui était bien supérieur à celui que l’on a autorisé, mais je ne lâche pas le morceau. Le nouvel accord fixe, pour 2029, le quota INAMI pour la Fédération Wallonie-Bruxelles à 929, dont 473 devraient s’orienter vers la médecine générale. Toutefois, ces étudiants qui ont débuté leur cursus en 2023 ne termineront leur formation en médecine générale qu’en 2031. Je suis personnellement convaincue – je l’ai dit tout à l’heure dans la discussion sur le Plan de prévention et de promotion de la santé – qu’il faudra aller plus loin en supprimant les quotas de médecins généralistes et qu’il conviendra d’entamer une réflexion en profondeur sur la pertinence du système actuel de planification de l’offre médicale. En ce qui concerne vos questions sur la commission de la Fédération Wallonie-Bruxelles, pour rappel, cette commission a pour principale mission d’objectiver les besoins en médecins et dentistes à Bruxelles et en Wallonie en repartant des indications et travaux du Fédéral et en les affinant à l’aide de données régionales. Pour ce faire, elle rend des avis au Fédéral, ainsi qu’au Gouvernement de la Fédération Wallonie- Bruxelles sur la détermination des sous-quotas pour l’accès aux différents masters de spécialisation en médecine et dentisterie. Ce faisant, elle veille à favoriser la promotion des spécialités dites sensibles et à éviter les déséquilibres au niveau de l’offre et de la demande en professionnels des soins de la santé. La Wallonie n’est pas membre à part entière de la commission de la Fédération Wallonie-Bruxelles, mais participe en qualité d’observateur à chaque Commission de planification pour les dentistes et généralistes. Mes conseillers sont intervenus à plusieurs reprises pour demander l’augmentation du sous-quota de médecins généralistes. Je ne cesse de le demander. L’AViQ a fait une présentation du dispositif Impulseo auprès des membres de ladite commission. Elle a également présenté les besoins chiffrés pour combler les pénuries en médecine générale. Le 12 janvier 2024 a eu lieu la quinzième commission « Médecins ». À l’ordre du jour figurait un point sur le cadastre des besoins en recrutement des hôpitaux. L’autre point était l’état des lieux des travaux du Comité d’accompagnement du questionnaire à destination des assistants en formation. Les projections des potentiels diplômés de 2024 ainsi que des propositions de sous-quotas 2024 nous ont été présentées lors de la dernière réunion de 2023. Ces différents éléments vont être ajoutés au rapport final. Quant au groupe de travail « Dentistes » de la Commission de planification francophone, il en était à sa quatorzième réunion en janvier. Un arrêté du Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles est en cours de rédaction en ce qui concerne les sous-quotas en dentisterie. Le genre de points que l’on retrouve à l’ordre du jour est, par exemple, une présentation des incitants à l’installation utilisés en France. Vous vous souviendrez que, pour la dentisterie, j’avais proposé que l’on mette en place un dispositif du type Impulseo. Cela avait d’ailleurs été la première question urgente qu’avait posée Mme Vandorpe en début de législature en séance plénière. Il s’est avéré que les dentistes estimaient que c’était inopportun eu égard à la spécificité des investissements qui étaient les leurs et qui étaient sans commune mesure avec la médecine générale. On cherche donc d’autres dispositifs qui pourraient fonctionner, comme celui qui existe en France. Je vous invite à prendre contact avec la Fédération Wallonie-Bruxelles pour en connaître le contenu et pour plus de précisions sur ce que je viens d’évoquer. En ce qui concerne vos questions sur les maisons médicales, les ASI, depuis mon entrée en fonction en septembre 2019, j’ai agréé 28 associations de santé intégrée, dont quatre dans le Brabant Wallon, 10 dans la province de Namur, trois en province de Luxembourg, cinq dans le Hainaut et cinq en province de Liège. On voit bien que les pratiques médicales évoluent. Dans le nord du pays, ils disent soit que les médecins travaillent plus que les médecins wallons, soit qu’ils ont des pratiques médicales groupées. C’est un peu le paradoxe, parce que l’on est plutôt dans des logiques libérales : ils ont l’habitude de pratiques médicales groupées. En début de législature, quand on en parlait avec les médecins généralistes, ils étaient très frileux quant à ces pratiques et disaient : « Écoutez, nous, on a toujours fonctionné comme cela ». Et puis, est arrivé le covid et ils se sont rendu compte qu’il y avait vraiment des bénéfices pour eux dans les pratiques médicales groupées : d’abord parce que cela soulageait leur temps de travail, cela permettait de discuter avec d’autres professionnels, que ce soit des médecins généralistes, que ce soit aussi des infirmiers ou d’autres professionnels de la santé, des kinés, qui sont présents sur le site, ce qui permet un travail de prévention, ainsi qu’une accessibilité qui est bien meilleure en termes financiers. Évidemment, les personnes les plus précarisées ont, en principe, un accès qui est favorisé. Il n’en demeure pas moins qu’il y a de très nombreuses personnes qui n’activent pas leurs droits. Vous le savez, l’automaticité des droits est un vrai combat que l’on doit pouvoir mener. Néanmoins, 29 PW – Session 2023-2024 – CRIC n° 87 – Emploi – Mardi 23 janvier 2024 on voit que ces pratiques groupées changent le rapport. Mme De Block, à l’époque, avait fait un moratoire sur les maisons médicales en disant : « Non, cela coûte plus cher ». On voit bien que c’était totalement faux. Je suis convaincue de cette pratique. On le voit, ils peuvent travailler moins d’heures, ils peuvent se poser aussi sur des aides administratives. En plus, il y a une hétérogénéité. Parfois, quand on évoque les maisons médicales, certains pensent toujours aux maisons médicales du PTB. Or il y a plus de 100 maisons médicales et quatre seulement relèvent du PTB. Ce n’est donc pas du tout la réalité que l’on peut parfois évoquer dans les maisons médicales ; il y a une hétérogénéité. Les maisons médicales sont accessibles à tout le monde. En réponse à la revendication de la Fédération des maisons médicales concernant le financement des maisons médicales, un projet a été mis en place au sein des associations de santé intégrée. Dans le cadre du Plan de sortie de la pauvreté, 41 ASI ont bénéficié en 2022 de la mesure permettant d’engager un assistant social à mi-temps. Cette mesure a été renouvelée pour la deuxième année. Il y a encore de nouvelles mesures que l’on a mises en place. Nous avons notamment dégagé un budget plus important et pérenne pour poursuivre le financement. Sur la santé communautaire au sein des ASI, on a travaillé avec l’AViQ pour cette question financière et organisationnelle. Les relations avec les ASI, plus particulièrement avec la Fédération, sont très bonnes. Mon cabinet vient de les recevoir pour aborder aussi leur mémorandum. Je l’ai moi-même également fait. Pour ce qui concerne la pénurie des infirmiers, c’est fédéral, mais on soutient évidemment l’idée de travailler sur des rôles plus clairs. Je l’ai déjà expliqué tout à l’heure, je ne vais pas y revenir. Tout le monde n’étant pas présent, M. Hermant n’a peut-être pas eu les détails sur le fait que je soutiens l’idée de faire en sorte que les infirmiers fassent un travail qui leur est pleinement dédicacé. Aujourd’hui, ils sont obligés de faire des pratiques plus rémunératrices pour recevoir un salaire correct. Or, que voit-on ? Indépendamment de ces pratiques ne relevant pas des actes techniques qu’ils devraient poser idéalement, ils devraient avoir un salaire correct. C’est cette nomenclature, sur laquelle ils travaillent au Fédéral, que je soutiens pour éviter qu’ils doivent consacrer du temps à des actes ne relevant pas de leur niveau de compétence. Et c’est dommage parce qu’eux- mêmes ne sont pas spécialement demandeurs de cela, mais ils le font pour un motif financier. C’est très bien que ce soit en phase de modification, comme il est très bien que l’on redéfinisse les rôles des professionnels de soins. On travaille très en silo et avec beaucoup de corporations. Par exemple, quand on a proposé que les pharmaciens vaccinent contre le covid-19, on a eu une levée de boucliers de certaines fédérations de médecins généralistes qui, à la fois, disaient être submergés et ne souhaitaient pas que les pharmaciens puissent le faire. Or les pharmaciens, comme on le voit, ne se sont pas substitués aux médecins. Les pharmaciens ont élargi le scope à l’égard de personnes qui ne font confiance qu’à leur pharmacien. Mon objectif est donc que, dans les inégalités de santé, on ait des portes d’entrée avec des professionnels en mesure de les soigner et complémentaires. Quand on travaille sur Proxisanté, sur la liaison et les continuums de soins entre les différents opérateurs et les différents professionnels de la santé, on leur permet aussi de diminuer la charge administrative, le temps de travail et les actes, qu’ils posent parfois deux fois parce qu’ils n’ont pas pu communiquer avant entre eux. On voit donc bien que ce travail d’organisation de la première ligne va avoir forcément un impact sur la baisse de leur temps de travail, sur la possibilité pour les professionnels de prendre en charge plus de cas liés soit à la prévention soit au curatif et d’éviter les doublons. Avec le fonds « Blouses blanches », il y a eu une hausse salariale par équivalent temps plein. Un infirmier gagne actuellement 11 % de plus qu’en 2019. Des initiatives de formations supplémentaires ont été prises, notamment avec le dispositif #ChoisisLesSoins et une tranche de 20 millions d’euros à trois reprises pour recruter du personnel en soutien. Ce sont aussi des mesures fédérales, mais qui ont été prises en collaboration avec nous. Il existe également des crédits d’investissement des technologies qui facilitent le travail des infirmiers. Plusieurs millions d’euros sont dédiés à des projets nouveaux tels que l’équipe structurée, une nouvelle échelle de soins qui crée un éventail plus large de professionnels de soins au sein de la profession d’infirmier, ou encore la répartition, la différenciation, la délégation et le transfert des tâches. Dans ce dernier cas, ce n’est pas pour provoquer des phénomènes de déplacements, mais pour que, par exemple, toutes les heures perdues par les médecins généralistes pour régler des problèmes sociaux puissent être pris en charge, dans l’intérêt du patient, par des personnes formées pour résoudre les problèmes sociaux afin que les médecins puissent concentrer leur travail sur ce sur quoi ils sont formés. Toutes ces mesures ont pour but de rendre plus attrayant le métier en le rendant plus autonome. Un agenda pour l’avenir du personnel des soins a été élaboré avec les acteurs de terrain – c’est-à-dire les représentants des employeurs et des travailleurs – et les organisations professionnelles. L’objectif est de dresser un inventaire en ce qui concerne l’attrait du travail dans le secteur de soins et de dresser la liste des solutions PW – Session 2023-2024 – CRIC n° 87 – Emploi – Mardi 23 janvier 2024 30 possibles à moyen et long terme. Cela sera-t-il suffisant pour combler le déficit ? Non. Les efforts doivent être poursuivis, notamment pour la question du temps que j’ai évoquée tout à l’heure, quant au fait d’avoir eu raison trop tôt, mais sans être entendu, avec le nord du pays qui a bloqué systématiquement tout accord fédéral. Concernant la revendication de chez Solidaris en faveur de la gratuité des consultations chez le généraliste, j’y suis personnellement favorable. D’une tout autre manière, les travaux de Proxisanté en passe d’aboutir sur le nouveau décret qui réorganisera la première ligne contribuent également à améliorer l’accès à la médecine générale. Dans le cadre de la Politique agricole commune, nous avons pris des mesures pour permettre qu’il y ait également, dans les communes à pénurie sévère – principalement des communes du Luxembourg – des implémentations de dispositifs, en plus d’Impulseo, qui va être modifié par les médecins généralistes. Il y a des groupes de travail élaborés. Plutôt que d’améliorer le dispositif moi-même, les médecins m’ont dit : « Nous souhaiterions avoir nous-mêmes notre mot à dire sur la manière dont nous voulons encore améliorer le dispositif d’Impulseo, indépendamment des moyens supplémentaires qui ont été menés. »

Réplique

Je vous remercie, Madame la Ministre. Vous avez rappelé en début d’intervention l’importance de la prévention développée ce matin. Je n’étais pas là parce que j’étais retenu dans une autre commission, mais je vous rejoins complètement et je ne manquerai pas de lire le compte rendu. Les prévisions que vous nous avez partagées sont très préoccupantes pour plein de régions. La mienne est passée de 86 % à 89 % de communes en pénurie. Vous nous dites ce que nous savions déjà, à savoir que les départs à la pension ne seront certainement pas compensés dans les années à venir avec l’arrivée de jeunes médecins malgré les initiatives que vous avez rappelées, qui sont bonnes, qu’il faut amplifier et qu’il faut peut-être améliorer dans certains cas, comme les pratiques groupées, la libération des sous-quotas et le fonds Impulseo. J’entends votre réponse et je vous rejoins sur le fait que ce ne sera pas suffisant. Dès lors, je pense que l’on ne fera pas l’économie d’une planification de l’offre médicale. Vous l’avez d’ailleurs mentionné dans votre réponse, mais sans aller plus loin. J’ai la conviction que l’on devra passer, pour résoudre ce problème de pénurie dans les zones rurales, par une forme de planification sur base territoriale, soit en octroyant des surquotas pour les régions en forte pénurie, soit en interdisant de s’installer dans des zones où il n’y a pas de pénurie du tout, de manière à essayer de combler l’ensemble du territoire. Ce débat doit aussi avoir lieu au niveau fédéral avec le ministre de la Santé. Je reçois très régulièrement des témoignages de report de soins de personnes qui quittent la province pour aller se faire soigner ailleurs, quand elles peuvent et quand elles en ont les moyens. Le problème de non- accès au droit fondamental d’accès à la santé me préoccupe fortement. On doit amener une forme de meilleure répartition territoriale de l’offre de soins.

Date de la question parlementaire
Ministre
Christie Morreale

Thématiques